L’encadrement de la rémunération des dirigeants par la loi Sapin II ou la tentation de Venise
Une tribune de Laurent Jobert, associé, Veil Jourde, paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires: N° 1294 du 20/03/2017
Vote ex ante. Les actionnaires devront désormais se prononcer chaque année sur la politique de rémunération des dirigeants mandataires sociaux, comprenant « les principes et critères de détermination, de répartition et d’attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature attribuables, en raison de leur mandat ». Ce vote ex ante devra être mis en oeuvre dès les assemblées générales statuant en 2017 sur les comptes de l’exercice 2016.
Les éléments variables et exceptionnels seront désormais soumis à la condition suspensive de leur approbation par l’assemblée générale des actionnaires statuant sur les comptes de l’exercice au cours duquel ils auront été décidés.
Vote ex post. L’assemblée générale devra également – comme c’est déjà le cas aujourd’hui avec le say on pay dans sa version Afep-Medef – se prononcer sur les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale au titre de l’exercice précédent. En cas de vote négatif, les éléments fixes ne seront pas remis en cause ; en revanche, et ici réside l’innovation majeure, les éléments variables et exceptionnels ne pourront pas être versés. En d’autres termes, les éléments variables et exceptionnels seront désormais soumis à la condition suspensive de leur approbation par l’assemblée générale des actionnaires statuant sur les comptes de l’exercice au cours duquel ils auront été décidés. Ainsi donc, l’assemblée générale pourra désormais s’opposer au versement d’une rémunération variable dont les critères auront été préalablement arrêtés par le conseil d’administration, approuvés par l’assemblée avec le vote ex ante, et enfin jugés remplis par le conseil dans le cadre de ses attributions. Il faudra s’y résoudre.
Incertitudes. Cette mesure phare de la loi Sapin II soulève de nombreuses difficultés d’interprétation auxquelles le décret d’application et le temps apporteront des réponses. Plus grave peut-être est son incidence sur le moral des dirigeants. En marquant les limites de la soft law et de l’autorégulation, et en se dotant d’un régime juridique d’une extrême sévérité, éloigné d’une certaine idée de la sécurité juridique et de la parole donnée, on prend le risque de décourager les intéressés, qui pourraient alors succomber à la tentation de Venise.