Projet de loi Sapin 2 : la déjudiciarisation fait tiquer les sénateurs
Si le président de la commission des Lois, Philippe Bas, a assuré le ministre que des réformes comme la mise en place de la convention judiciaire d’intérêt privée ou les mesures relatives au contrôle de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées ne devraient pas poser de problème lors de l’examen du texte en commissions, plusieurs sénateurs ont en revanche fait part de leurs réserves concernant les nouveaux pouvoirs accordés par le texte aux autorités administratives indépendantes.
Pouvoirs de répression judiciaire
Le rapporteur de la commission des Lois, François Pillet, a ainsi exprimé son désaccord sur les prérogatives de l’Agence française anti-corruption, chargée non seulement de prévenir les faits de corruption et d’aider les autorités compétentes à les détecter, mais également dotée d’une commission des sanctions pouvant prononcer des sanctions pécuniaires contre les personnes physiques et morales en cas de manquement constaté. « Le projet de loi réinjecte une confusion entre les missions administratives de prévention/détection de la corruption et ce qui a trait à la répression », a estimé le rapporteur. Rappelant que le pouvoir répressif appartenait à l’autorité judiciaire, il s’est étonné de ce « glissement qui tend à donner à une autorité administrative des pouvoirs de répression judiciaire », alors même que vient d’être créé le Parquet national financier. « J’appelle votre attention sur la nécessité de maintenir les pouvoirs de sanction de l’Agence nationale pour garantir son efficacité », a exhorté Michel Sapin.
Privatisation des poursuites
De son côté, Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des Finances, s’est élevé contre la mesure visant à permettre au Défenseur des droits d’apporter un soutien financier aux lanceurs d’alerte (mesure contenue dans la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte, adoptée par les députés concomitamment au projet de loi Sapin 2). « Le défenseur des droits ne va pas devenir une juridiction chargée d’indemniser. Revenons à l’essentiel : nous avons une justice en France », a-t-il déclaré, tandis que Gérard Longuet a émis des doutes sur le dispositif des lanceurs d’alerte lui-même. « À travers les lanceurs d’alerte, soutenus par les ONG, on a le sentiment d’une privatisation des poursuites », a estimé le sénateur de la Meuse.
Le projet de loi est examiné depuis hier et jusqu’à ce soir par les commissions sénatoriales.