Prix des étudiants juristes d’affaires : les lauriers… et après ?
Cet article est paru dans la LJA 1252 du 18 avril 2016
Les cabinets d’avocats d’affaires sont de plus en plus nombreux à lancer leur propre prix récompensant les étudiants en droit les plus méritants. Mais qu’apportent-ils concrètement ? Retours d’expérience.
Le 5 avril dernier, le cabinet Freshfields organisait au musée Jacquemart André son grand raout dans le cadre de la 27e édition de son Prix du meilleur étudiant juriste d’affaires. L’heureux élu de cette année ? Gonzague d’Aubigny, étudiant à l’EFB et diplômé d’Assas. Le président du jury 2016, Frank Gentin, ex-président du tribunal de commerce de Paris, n’a pas hésité lors de son discours de remise des prix à comparer les épreuves auxquelles les douze candidats retenus ont été confrontés tout au long de la journée à celles des émissions de télé-réalité. Celles-là même où, à la fin, il ne doit en rester qu’un.
Faire la différence
Depuis plus de 25 ans, les cabinets d’affaires ont été nombreux à emboîter le pas à Freshfields, précurseur en la matière avec un prix créé en 1989 : Jones Day et son Prix Jones Day/ESSEC/Paris II, qui récompense depuis l’an dernier le meilleur binôme d’étudiants en droit des affaires, Ernst & Young et son prix du meilleur étudiant fiscalise, Gide et son challenge de la meilleure lettre de motivation, ou encore Herbert Smith Freehills et son prix du meilleur étudiant juriste immobilier, créé aux côtés de Juridim et de Michelez Notaires. Tous se basent plus ou moins sur les mêmes critères, à savoir des candidatures retenues à partir d’un M1, et des récompenses sous forme de stages rémunérés et de chèques pouvant aller jusqu’à 5000 euros pour le vainqueur. Au-delà de l’appât du gain, ces concours sont l’occasion pour les candidats de se lancer des défis et de mesurer leur qualité juridique à l’aune de celle de leurs adversaires… et surtout, d’ajouter une marque d’excellence sur leur CV. « Ce genre de récompense permet véritablement de se distinguer des autres, notamment lors de la recherche d’un emploi », assure Louis Delestrée, lauréat du prix MEJI d’HSF en 2013, aujourd’hui collaborateur chez Gide au sein du département Opérations & Financements immobiliers. Titulaire d’un Master 2 en droit immobilier public de l’université de Versailles-Saint-Quentin, il reconnaît aisément que sans cette valeur ajoutée, face aux aspirants collaborateurs tout droit sortis d’Assas, les portes du géant franco-français ne lui auraient peut-être pas été ouvertes aussi facilement…
Créer un réseau
Un avis que partage Pauline Cornu-Thenard, arrivée deuxième du prix Freshfields en 2002 : « Lorsque l’annonce des trois gagnants a été faite dans la presse spécialisée, j’ai immédiatement eu deux propositions de collaboration. » Une opportunité qui l’avait alors poussée à décliner l’offre de stage de Freshfields. Passée par les départements bancaires de Latham & Watkins, Gide et Linklaters, elle est aujourd’hui directrice juridique et fiscale adjointe au sein de la Caisse des dépôts. Une ascension fulgurante à laquelle, si elle n’en a pas été le moteur, sa récompense n’a pas non plus été complètement étrangère… « À l’occasion de ce prix, j’avais fait la connaissance d’un associé avec qui j’ai gardé contact et qui m’a par la suite beaucoup aiguillée en termes de choix de carrière. » Et de poursuivre : « Le véritable intérêt de ces prix, c’est ce qu’on en fait. On peut très bien se cantonner à son stage et ne rien chercher d’autre, ou créer des liens avec des personnes intéressantes qui ont quelque chose à nous apporter et à qui nous pouvons également apporter quelque chose. » Si Louis Delestrée affirme également que le prix HSF lui a permis « de se forger un réseau » , le binôme d’étudiants lauréats du premier prix Jones Day, qui exercent aujourd’hui tous deux à Bruxelles, jugent pour leur part « qu’on ne crée pas forcément de contacts intéressants en une journée ». « Mais à nos âges, c’est un privilège de pouvoir être écoutés et interagir directement avec les associés d’un cabinet prestigieux , ajoutent-ils. C’est également une bonne opportunité pour rencontrer d’autres professionnels, comme des directeurs juridiques et des universitaires. »
Un pied dans le grand bain
Sami Jebbour, lauréat du prix Freshfields en 2001 et diplômé d’Assas, a grandi au sein de la structure anglo-saxonne qui l’a récompensé. Aujourd’hui collaborateur en M&A, il se souvient d’une journée forte en émotions… et en préparation : « Nous avons travaillé pendant une heure dans la bibliothèque du cabinet sur un cas pratique juridique à présenter en binôme devant un jury composé d’associés de Freshfields, de directeurs juridiques et d’universitaires. Dans l’après-midi, les six candidats retenus ont passé des entretiens individuels davantage axés sur leur personnalité. Après ces épreuves, ma connaissance du cabinet et de ses membres était beaucoup plus approfondie. » Aujourd’hui, il se dit épanoui au sein de la structure qui lui a fait faire ses premiers pas.
Anne Illouz, en charge de la communication et des concours à l’Ecole de formation du barreau de Paris, dénonce pour sa part des prix « inégaux » . « Même si beaucoup proposent des épreuves complexes, les cabinets qui ne se basent que sur les CV pour sélectionner les vainqueurs font en quelque sorte du recrutement déguisé » , pointe-t-elle du doigt, avant de tempérer : « Les élèves apprécient beaucoup l’exercice. Cela leur permet de mettre un pied dans le grand bain avant de plonger, et c’est un petit plaisir auquel on repense ensuite avec nostalgie. »