
Le rapport Ferrand ou l'art du compromis

Le 3 novembre 2014, le député PS Richard Ferrand a remis au ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, son rapport intitulé Professions réglementées : pour une nouvelle jeunesse. Il y émet 28 propositions sur les professions réglementées de santé ou juridiques, celles relatives aux professionnels du droit, dont les avocats, étant toutes en lien avec le projet de loi pour l'activité et l'égalité des chances économiques porté par Bercy. Selon le député, le ministre a d'ores et déjà indiqué qu'un certain nombre d'entre elles seraient reprises dans le texte final. Alors que le contenu d'un avant-projet de loi qui avait fuité il y a quelques semaines avait provoqué la colère d'une partie des avocats, le député s'emploie, dans son rapport, à calmer les esprits en proposant des compromis.
Étendre la territorialité de la postulation et libéraliser son tarif
Le rapport Ferrand recommande tout d'abord de ne pas supprimer la territorialité de la postulation mais de l'élargir au ressort de la cour d'appel, au lieu du ressort actuel du TGI. Il préconise en revanche de supprimer le tarif de postulation, qu'il juge complexe et obsolescent dans un secteur "où les honoraires facturés en définitive au client sont libres" et suggère de "rendre sa fixation libre entre les parties". Toutefois, précise-t-il, "cet élargissement du monopole territorial de la postulation en première instance devra, pour éviter d’éventuels appauvrissements numériques des « petits » barreaux, s’accompagner d’un renforcement du contrôle des bâtonniers en ce qui concerne l’établissement de bureaux secondaires", alors que l'avant-projet de loi prévoyait la suppression de l'autorisation ordinale d'ouverture.
Développer l'interprofessionnalité capitalistique
Afin de "diversifier les sources de financement en permettant aux professionnels qui le souhaite de développer leur activité en réalisant les investissements nécessaires" , le rapport propose ensuite de permettre l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral entre les professions juridiques ou judiciaires et la profession d’expert-comptable, "sous réserve du respect des règles d’incompatibilité". Dans cet esprit, il estime que, "bien que l’ouverture capitalistique ne remette a priori en cause ni l’indépendance d’exercice ni l’indépendance professionnelle, les règles déontologiques pourraient être renforcées" et faire l'objet "d’une vigilance accrue des instances ordinales". Selon le rapporteur, cette mesure permettrait de répondre à une "forte demande des entreprises pour aller vers le concept et l’offre de « full services » et correspondrait à la pratique".
Avocat en entreprise versus confidentialité
Enfin, le rapport écarte la création d'un statut d'avocat en entreprise, jugeant incompatible l'indépendance de l'avocat avec le lien de subordination lié au salariat. Il préconise en revanche de reconnaître la confidentialité des échanges du juriste d'entreprise avec son employeur, une solution à laquelle l'AFJE et le Cercle Montesquieu se sont déclarés favorables par le passé si l'avocat en entreprise ne devait pas voir le jour. Le rapport pose néanmoins à cette reconnaissance la condition qu'elle ne soit "pas de nature à complexifier la politique de lutte contre les fraudes".
Après Emmanuel Macron, Richard Ferrand remettra son rapport à la ministre de la Justice, Christiane Taubira, ce mardi 4 novembre en début de soirée.
L.G.