Le barreau de Paris annonce la création de l'Incubateur : retrouvez l'article paru dans la LJA
« Les cabinets doivent être gérés comme des entreprises pour être compétitifs »
Lors de leur campagne au bâtonnat, Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet avaient annoncé la création
d’un incubateur au sein du barreau de Paris. La structure commence à voir le jour, avec derrière elle, quatre membres fondateurs, dont trois jeunes avocats. La LJA a rencontré l’un d’entre eux, Adrien Perrot, associé chez Deprez Perrot, qui s’est exprimé au nom de l’incubateur.
Quelle est l’origine de l’incubateur du barreau de Paris ?
L’incubateur : Il trouve ses prémices dans la Caravane des jeunes mise en place durant la campagne de Pierre-
Olivier Sur et Laurent Martinet et répond aujourd’hui à leur demande. Ses mem-bres fondateurs sont issus de structures françaises et étrangères : Alexandra Uhel, avocat au sein du cabinet Linklaters, Lise Damelet, avocat au sein du cabinet Orrick Rambaud Martel, Adrien Perrot, avocat fondateur du cabinet Deprez Perrot, et Frédéric Pelouze, fondateur d’AlterLitigation. Il s’inspire de ce qui existe aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Sa vocation est double : tout d’abord soutenir l’innovation en remettant deux prix annuels de l’innovation distincts, l’un promouvant un cabinet d’avocats, l’autre une structure composée par des non-avocats délivrant des prestations conformes à nos principes déontologiques, permettant de servir le travail des avocats et de faciliter l’accès à la justice, fonctionner ensuite comme un think tank pour la profession, et plus particulièrement pour le conseil de l’Ordre, en organisant deux conférences participatives annuelles.
En quoi peut constituer l’innovation dans un cabinet d’avocat ?
L’incubateur : Il peut s’agir de la façon de structurer le cabinet, des services offerts aux clients, des méthodes de
facturation, d’un usage intelligent des nouvelles technologies en interne ou au service des clients. N’importe qui peut et surtout doit pouvoir constituer un cabinet innovant. Le barreau français est riche et constitué d’avocats qui savent faire preuve de créativité et d’esprit d’entreprendre. Encourageons-les !
Comment va se dérouler la sélection des dossiers ?
L’incubateur : Nous allons présélectionner les candidatures avec les membres associés de l’incubateur (personnalités du monde économique et juridique) puis nous allons travailler avec la commission déontologie de l’Ordre pour nous assurer que les projets sont conformes à la déontologie de la profession. Ensuite, un jury composé d’une douzaine de personnes (avocats, professeurs, économistes, directeurs juridiques et entrepreneurs) déterminera
les lauréats.
En quoi consiste le prix ?
L’incubateur : Concernant les avocats, les lauréats recevront une dotation financière et seront ensuite « incubés » l’année suivante avec un suivi personnalisé en termes de communication, coaching et conseils de nos membres associés. Nous travaillerons en lien avec le barreau entrepreneurial. Pour ce qui est des non-avocats, ils recevront également une dotation financière, qui ne sera pas financée par le conseil de l’Ordre, mais par des partenaires privés.
Dans le Bulletin du barreau de Paris du 8 avril 2014, l’incubateur est présenté comme une structure qui « réfléchit à de nouveaux modes d’exercice professionnel pour les avocats, quitte à faire évoluer la déontologie de la profession pour s’adapter aux nouveaux marchés du droit et aux demandes des justiciables ». C’est-à-dire ?
L’incubateur : Nous voulons avoir un débat sans tabou sur la déontologie avec les avocats, mais également avec les autres professions réglementées (no-taires, experts-comptables,...). Aujourd’hui, nous vivons encore en France sur certains décrets napoléoniens, comme pour la non-commercialité par exemple. Au même moment, en Angleterre, les Alternative Business Structures permettent d’ouvrir le capital des cabinets à des non-avocats ; en Australie, les cabinets peuvent même être cotés en Bourse,... Les choses évoluent et les avocats de notre génération sont conscients que leurs structures doivent être désormais gérées comme des entreprises pour être compétitives. Un cabinet qui veut innover doit soit faire appel à ses fonds propres, ce qui n’est pas évident quand il démarre, soit faire appel aux financements bancaires. Or, une entreprise, elle, fait appel à des capitaux extérieurs pour se développer. Les avocats devraient eux-aussi pouvoir bénéficier de modes de financements modernes. Si un cabinet souhaite développer une technologie très innovante, que ce soit au stade de son développement ou de son suivi, n’ayant pas les compétences en interne, il devra nécessairement faire appel à un développeur et/ou à un manager externe, comme dans n’importe quelle société. Peut-on imaginer un instant que cette personne ne soit pas intéressée au capital du cabinet, comme elle le serait dans n’importe quelle start-up ? Nous devons penser les cabinets comme des plateformes regroupant des compétences juridiques et extra-juridiques et moderniser en conséquence notre déontologie. Défendrons-nous alors moins bien nos clients ? Nous ne le pensons pas.
L’incubateur va organiser des conférences. Quand va se dérouler la première ?
L’incubateur : La première se déroulera dans les tous prochains mois. Nous organiserons trois tables rondes sur les thèmes suivants : le financement du cabinet par des tiers, l’intelligence artificielle appliquée aux services juridiques et l’accès à la profession. Ce sera l’occasion de lancer officiellement l’incuba- teur du barreau de Paris, structure inédite en France et en Europe.
Propos recueillis par Laurence Garnerie
Interview parue dans la LJA 1162 du 19 mai 2014