
Les cabinets, moteurs de la diversité de la profession d’avocat
La loi interdit le recueil de données désignées comme sensibles relatives à la santé, à la vie sexuelle, aux origines raciales, ethniques, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Il semble donc difficile d’établir un bilan de la diversité de la profession d’avocat. Cependant, la mesurer n’est pas nécessaire pour assurer le respect de l’égalité et lutter contre les discriminations. Ainsi, la commission Égalité du Conseil national des barreaux publie prochainement la charte « Responsabilité sociétale des cabinets d’avocats » donnant des pistes de réflexions aux cabinets volontaires. Un outil d’autodiagnostic, sous forme de 43 questions réparties en quatre thèmes, va aussi être mis en ligne sur le site de l’instance.
« Nous cherchons avant tout de bons avocats et des personnes qui s’entendent avec nos clients. Nous voulons donner la chance à des personnes qui viennent de milieux moins favorisés », explique Rebecca Major, associée en charge des questions de diversité au sein du cabinet Herbert Smith Freehills
Au-delà du respect principe d’égalité, donner une chance à tous
La première étape de la diversité pour les cabinets est de se faire connaître auprès des jeunes, en participant à des forums de recrutements, en proposant des stages avant l’école de formation à la profession d’avocat, etc. Herbert Smith Freehills, par exemple, a signé des partenariats avec des masters des universités Paris 2 Panthéon-Assas, Paris-Dauphine, Aix-en-Provence, Seine-Saint-Denis et avec le double cursus entre la Sorbonne et le King College de Londres. « Nous cherchons avant tout de bons avocats et des personnes qui s’entendent avec nos clients. Nous voulons donner la chance à des personnes qui viennent de milieux moins favorisés », explique Rebecca Major, associée en charge des questions de diversité au sein du cabinet. De son côté, Clifford Chance a mis en place la première édition des « Rendez-vous Clifford Chance », le 29 novembre 2016. Près de 160 étudiants se sont présentés afin de pourvoir la soixantaine de stages proposés dans les bureaux de Paris, de Luxembourg et de Casablanca. Les structures anglo-saxonnes sont souvent les plus actives en la matière, entraînées par une politique plus globale. Néanmoins, le cabinet Cohen Amir-Aslani a lancé en 2013 le programme « La grande famille ». Le concept est simple : ouvrir les portes du cabinet à cinq étudiants en première année venus des IUT de Villetaneuse, Saint-Denis et Bobigny. Les candidats doivent envoyer une vidéo de présentation et répondre à un questionnaire en ligne. Se trouvent à la clé une bourse de 3 000 euros, un parrainage de deux ans par un membre du cabinet, un stage rémunéré dans une des entreprises partenaires du programme et un stage à l’étranger pour celui des cinq qui aura été désigné le plus méritant durant ces deux années.
Et Gide a créé son « Challenge » dont les cinq lauréats remportent un prix allant jusqu’à 3000 euros et la possibilité d’effectuer son stage final d’élève-avocat dans le cabinet. Les structures peuvent ensuite intégrer des dispositifs spécifiques pour les recrutements, comme les CV anonymes. « La méritocratie fonctionne, mais en première année tous les avocats qui arrivent ont le même niveau de rémunération quel que soit leur profil », témoigne Frédéric Bouvet, managing partner d’Herbert Smith Freehills à Paris. Elles doivent aussi veiller à améliorer les conditions d’intégration des personnes en situation de handicap. Aucune statistique n’existe sur le sujet, mais les cabinets rétorquent bien souvent qu’il existe, de toute façon, une obligation légale de mise en conformité avec les normes d’accessibilité instaurées par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances.
« Nous avons vu une augmentation du nombre de clients souhaitant s’engager sur les questions de diversité et particulièrement celles liées à la communauté LGBT. Nous voulons donc ouvrir cette année nos évènements internes à nos clients », témoigne Andrew McCann, avocat responsable du réseau Arcus de Clifford Chance
Permettre aux avocats d’être eux-mêmes sur leur lieu de travail
Pour éviter le « responsabilité sociétale washing », la mise en œuvre réelle d’une telle politique, qui ne peut être que bénéfique en interne et en externe, demande des moyens. Le message délivré aux clients, de plus en plus sensibles à ces questions, a toute son importance. « Nous avons vu une augmentation du nombre de clients souhaitant s’engager sur les questions de diversité et particulièrement celles liées à la communauté LGBT. Nous voulons donc ouvrir cette année nos évènements internes à nos clients », témoigne Andrew McCann, avocat responsable du réseau Arcus de Clifford Chance à Paris. Sous l’impulsion de Londres, le bureau parisien a créé le réseau Arcus, qui signifie arc-en-ciel en latin, afin de promouvoir un environnement inclusif et diversifié pour la communauté LGBT du cabinet. « C’était important d’impliquer les personnes non LGBT dans notre réseau. Un ami d’Arcus prend des mesures pour remettre en question les préjugés contre la communauté LGBT, et utilise un langage approprié dans le travail pour permettre aux collègues de se sentir à l’aise », développe-t-il. Clifford Chance vient d’ailleurs de signer la charte d’engagement LGBT pour les entreprises. Le cabinet Herbert Smith Freehills a, quant à lui, conclu des partenariats avec l’Autre Cercle et l’Association française des managers de la diversité (AFMD). « Nous sensibilisons notre personnel aux avantages de la diversité sous forme ludique », déclare Rebecca Major. L’événement annuel du « Diversity Quizz » est notamment l’occasion de discuter de ces questions.