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Techniques d'évaluation d'un cabinet : les méthodes financières

Par Caroline Neveux - Jurimanagement

Nous avons pu examiner précédemment les méthodes d’évaluation d'un cabinet basées sur la reconnaissance des éléments communs à la profession (méthode des standards), sur les méthodes comptables classiques et sur les patrimoines mis en évidence par le diagnostic. Ces approches peuvent être combinées aux approches financières classiques. Elles sont toutefois difficiles à appréhender pour les non professionnels.

Considérant que tout investissement est motivé par la perspective de percevoir une rémunération supérieure à ce qu’un autre investissement aurait procuré, les financiers ont développé de nombreuses méthodes d’évaluation fondées sur la capitalisation des flux financiers futurs.
Elles reposent sur des évaluations des bénéfices, de la rentabilité ou de la capacité d’autofinancement, dans le futur, actualisée sur une période donnée.
Elles sont donc basées sur une estimation des flux futurs en appliquant un taux de risque économique (taux d’actualisation).
La philosophie de cette approche repose sur le fait qu’on « n’achète » pas des flux passés mais la richesse future.

Approche par la rentabilité

Pour toutes les méthodes qui vont suivre, on va introduire la notion de « capacité bénéficiaire », qui dans le cadre d’une entreprise classique, consiste à déterminer une notion de bénéfice après rémunération « normale » des associés ou dirigeants, corrigé des éléments non récurrents.
Au cas particulier des cabinets et notamment en BNC, il faut fixer une valeur qui pourrait correspondre au montant de « surplus de bénéfice » que les associés devraient laisser dans la structure.
A titre d’exemple, on peut estimer que ce montant pouvait représenter 15 % du résultat d’une année en BNC. Ce pourcentage qui correspond environ au solde de résultat non distribué au 31 décembre d’une année.

Valeur de rendement

Dans cette méthode, il s’agit de calculer la valeur attendue par un investisseur qui aurait le choix entre des placements classiques et un placement dans une structure avec une prise de risque complémentaire mais également une probabilité de rendement plus fort (création de valeur).

La formule est la suivante : V = CB / i
V= Valeur de la structure
CB = Capacité bénéficiaire
i = taux de capitalisation


Le taux de capitalisation est la somme de 2 composantes :
- le taux de placement qu’un investisseur pourrait obtenir, par exemple 5 %
- le taux de risque pour l’entreprise, par exemple 5 %
Soit i = 10 %

On peut noter 2 inconvénients à cette approche :
- le fait de capitaliser une capacité bénéficiaire voudrait dire que le bénéfice est infini, ce qui est économiquement faux.
- la valeur obtenue est directement proportionnelle au taux de capitalisation retenu, et plus le taux est faible, plus la valeur est importante.

Valeur de rendement combinée avec l’actif net

Cette méthode consiste à calculer la moyenne mathématique de la valeur de rendement et de la valeur patrimoniale (cf fiche n°2).

La formule est la suivante : V= (AN + CB/i) / 2

Cette approche combinant l’approche patrimoniale avec celle de la rentabilité paraît plus satisfaisant que toutes celles précédemment évoquées.
Néanmoins, on retrouve les mêmes inconvénients que ceux de la méthode simple de rendement et notamment le fait qu’il n’y a pas de limitation dans la durée.

Goodwill

Le goodwill (ou survaleur) est, d’un point de vue mathématique, l’excédent entre la valeur globale d’une structure à une date donnée et la valeur attribuée aux actifs nets à cette date. Il constitue un actif incorporel.

D’un point de vue économique, cette survaleur correspond à tous les facteurs qui permettent à la structure de réaliser des bénéfices « supérieurs à la normale », c’est dire sa capacité à fidéliser sa clientèle, développer son chiffre d’affaires, la qualité de ses ressources humaines, etc.

La méthode de l’actif net peut être complétée par une évaluation du goodwill (ou survaleur, ou super-profit), qui appliquée aux cabinets d’avocats, pourrait représenter la capacité à créer de la valeur grâce à la clientèle développée et aux autres éléments incorporels non valorisés.

Le goodwill représente la différence entre ce que rapporte l’entreprise (bénéfices) et ce que les capitaux investis auraient pu rapporter sur les marchés financiers, sur une période donnée La valeur du cabinet est obtenue en ajoutant à l’actif net, le montant actualisé du goodwill.

Cette approche nécessite donc de se projeter dans une durée définie. En règle générale, il s’agit de déterminer la durée de la période pendant laquelle l’entreprise bénéficiera d’un avantage compétitif suffisant pour lui permettre de dégager un surprofit.
La détermination de cette durée dépend donc essentiellement de la visibilité possible.

Prenons le cas d’un cabinet ayant fait de récents investissements, notamment en terme de recrutement de collaborateurs et d’associés, de projets de développement, de la stabilité des locaux (les baux ayant tous été renouvelés), nous estimons une durée de 7 ans comme raisonnable.

La formule est la suivante : GW = (CB – AN*i) * 1-(1 + r)-n

r CB = capacité bénéficiaire
AN = actif net
i = taux de rémunération des actifs => 10 %
r = taux d’actualisation => 10 %
n = nombre d’années => 7 ans

Pour les entreprises non cotées, il est courant de choisir le même taux pour le taux de rémunération des actifs et le taux d’actualisation. En tout état de cause, plus les taux choisis sont faibles plus la valeur de l’entreprise augmente car les exigences de rémunération sont moindres.

La méthode du good will a également ses propres limites :
- la valeur du goodwill est fonction du taux de rentabilité sur les marché financiers retenu (actions, obligations, placements à court terme).
- elle est fonction de la période prise en compte pour l’évaluation (faut-il considérer les bénéfices passés sur 2, 3 ou 4 ans).
- elle dépend des coûts de financement de l’activité, qui peuvent être différents pour l’acheteur.
- le résultat doit être actualisé au jour de l’évaluation et dépend donc du taux d’actualisation retenu.
- la méthode ne tient pas nécessairement compte des possibilités de croissance des bénéfices du cabinet.

Variante sur la durée

Dans notre exemple, l’analyse des baux nous a permis une visibilité à 7 ans de l’exploitation.
Si toutefois le propriétaire des locaux envisageait une récupération des locaux à horizon 3 ans, l’application de la formule donnerait un résultat significativement différent, puisque « n » passerait de 7 à 3.

On l’aura compris, le résultat de ces méthodes dépend donc, d’une part de l’évaluation faite des résultats futurs, d’autre part du taux d’actualisation retenu. Elles doivent donc être maniées avec précaution et combinées avec les autres méthodes précédemment vues.