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Gérer par projets : l’étape de planification (3ème partie)

Par Anne Girard

La gestion par projets est connue pour ses techniques de planification sophistiquées, intégrées dans des logiciels de gestion de projets. Les cabinets d’avocats et les directions juridiques trouveront rarement une utilité à ces outils très spécifiques. En revanche, la démarche de planification reste indispensable pour éviter retards, budgets dépassés et stress. Elle permet d’identifier à l’avance des problèmes potentiels ou des obstacles qui, lorsqu’ils surviennent en cours de projet, sont souvent vécus comme des mini-drames et occasionnent bien des soucis. 

Sans nier que des urgences et les imprévus peuvent exister, il faut rappeler que la planification est un processus dont les bénéfices sont immédiatement mesurables, dès lors qu’on veut bien abandonner le préjugé selon lequel « planifier, c’est perdre du temps » ou que « l’improvisation est plus efficace ». Loin d’être une activité pour psychorigides ou obsessionnels, la planification permet au contraire de minimiser le temps perdu à chercher en cours de projet des solutions ou des ressources qui auraient pu être trouvées en amont.
Dans le cas de dossiers ou de deals, les avocats y trouveront au moins un avantage : celui de travailler plus sereinement et d’apparaître plus rassurants aux yeux de leurs clients. Ces derniers maîtriseront mieux leurs coûts et leurs ressources, ainsi que leur relation avec leurs avocats.


Quand il s’agit de planifier, les choses peuvent sembler assez simples. Très souvent, on divise le projet en quelques grandes phases ou étapes et on passe directement à la réalisation. Malheureusement, cette approche recèle de nombreux pièges. Pour éviter ces derniers, mieux vaut passer par une étape de définition approfondie et, notamment, ne pas hésiter à détailler l’ensemble des taches à accomplir.


Tâches interdépendantes et « chemin critique »
Parmi ces tâches, certaines sont interdépendantes et ne peuvent pas être réalisées sans qu’une tâche précédente soit terminée (par ex, un projet de contrat ne peut être validé s’il n’a pas été écrit !). D’autres peuvent être menées en parallèle, pourvu que les ressources soient disponibles. Il est donc important d’identifier quelles sont les tâches interdépendantes et d’identifier parmi elles celles-qui se trouvent sur le « chemin critique », c’est-à-dire celles qui retarderont la finition du projet si elles ne sont pas elles-mêmes terminées dans les délais prévus.


Estimer la durée des tâches de façon réaliste
Un autre point important consiste à estimer de façon réaliste la durée d’une tache. Une tendance courante est de sous-estimer le temps nécessaire, soit que la personne qui fait l’exercice ne connaisse pas concrètement les contraintes du travail à réaliser, soit qu’une composante essentielle de la tâche (recherches, relecture, validation…) ait été oubliée.


On peut parfois négliger également le temps passé à la prise de décision et aux validations, qui ne dépendent pas forcément de nous. Par exemple, l’avocat devra tenir compte des instances décisionnelles chez le client, et qui possèdent leurs propres calendriers et plannings. Se reposer sur la promesse du client selon laquelle « le projet de document sera validé en 48h maxi » par un comité composé de plusieurs personnes peut s’avérer très risqué ! Mieux vaut avoir travaillé en amont et essayé de tenir compte des processus de prise de décision internes chez le client. Il existe enfin des durées incompressibles qu’il est indispensable de connaître avant de fixer des échéances. On ne parle pas ici forcément de jours fériés (!) mais plutôt, par exemple, des délais nécessaires pour obtenir un document administratif.


Inclure des points d’étapes dans le planning
Enfin, pour les projets longs et/ou complexes, il est indispensable d’inclure dans le planning des points d’étapes (en anglais, milestones) qui permettront de faire le bilan de ce qui a déjà été réalisé et de préparer ou affiner le planning des tâches à venir. Parfois, un conference call de 30 minutes suffira, dans d’autres cas, une réunion de 3 heures sera nécessaire. La durée des échanges sera adaptée aux problèmes évoqués. Ces échanges ne portent pas sur le contenu du projet mais bien sur la manière dont ils se déroulent. Ils permettent d’analyser la cause des écarts (planning, budgets etc.) constatés, de prendre les décisions nécessaires, en particulier les arbitrages coûts-temps (on peut gagner du temps en ajoutant des ressources supplémentaires ou en faisant appel à des ressources plus qualifiées mais cela a forcément un impact sur les coûts) et d’anticiper les problèmes potentiels. D’autres milestones pourront marquer un événement  qui concernera le fond du projet : par exemple une décision importante qui va influer sur la suite du projet.


On voit avec donc que l’étape de planification est un moment de communication important entre les différentes parties prenantes d’un projet. C’est cette communication – et notamment la circulation d’informations importantes – qui fait parfois défaut dans les projets, qu’ils concernent des dossiers ou non. Pourtant, une séance de travail, animée par le chef ou le pilote de projet sera souvent suffisante (pour peu que les personnes possédant l’information y assistent) et permettra d’éviter des problèmes ultérieurement.


Ci-dessous quelques questions à poser dans le cadre de l’étape de planification du projet :

1. Pour chaque tâche, quelle est la durée probable nécessaire pour réaliser le travail ? Qui est la personne qui sera la mieux à même de nous renseigner ? Quelle est la durée incompressible ?

2. Dans quel ordre logique et chronologique doit-on accomplir ces tâches ?

3. Peut-on réduire le temps nécessaire à la réalisation d’une tâche en y injectant des ressources supplémentaires ou plus qualifiées/expérimentées ? (Attention aux coûts induits et au niveau de qualité attendu, un arbitrage sera nécessaire)

4. Pour les tâches de validation et de prise de décision, de combien de temps ont besoin les décideurs ?

5. Pour les tâches « critiques », quels sont les problèmes potentiels qui pourraient retarder la réalisation et mettre en danger tout le planning du projet ?

6. Où doit-on introduire des points d’étapes pour faire le suivi en cours de projet ?