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Le changement de modèle du cabinet d’avocats

Par Jérôme Rusak, Day One

Le business model est la représentation systémique et synthétique de l'origine de la valeur ajoutée d'un cabinet et de son partage entre les différentes parties prenantes, sur une période et pour un domaine d'activité clairement identifiés. Avec les évolutions permanentes de l’environnement (révolution technologique, évolutions générationnelles, professionnalisation des clients…), les cabinets d’avocats vont devoir faire évoluer ce business model. Notre chronique de juillet 2014 (Penser le modèle du cabinet pendant ses vacances) définissait l’ensemble des questions à se poser pour repenser son modèle en termes de positionnement, de clients, de capital humain, d’organisation & gouvernance, de savoirs & innovation. Quels sont aujourd’hui les principaux changements à prendre en compte ?

1. Les segments de clientèle
- Passer d’une non-segmentation ou segmentation naturelle (ou opportuniste) à une segmentation choisie ;
- Définir un groupe homogène de personnes ou d'entreprises ayant les mêmes besoins, sensibles à la même communication, acceptant de payer le même niveau de prix, et pouvant être approchées et servies par le même réseau de prescription ou de business development. Aujourd’hui, le développement à l’international (notamment l’Afrique) constitue un véritable enjeu même pour les cabinets français de moyenne taille ;
- Acter les nouvelles compétences et attentes des clients en termes de qualité du conseil mais surtout en termes de servuction (donner de la prévisibilité budgétaire, apporter du benchmark, comprendre le business, apporter des solutions opérationnelles…).

2. La proposition de valeur
- Passer d’une proposition de valeur focalisée sur l’expertise technique et la relation intuitu personae vers une véritable recherche de différenciation, d’avantages concurrentiels et d’identification de la valeur ajoutée apportée au client en termes de business (quels bénéfices clients ?) ;
- Mener une vraie réflexion objective et lucide sur la chaîne de valeur du cabinet et sur la réalité de son positionnement (forte valeur ajoutée, formalité…) par rapport à la concurrence (autres cabinets spécialisés ou généralistes, plateformes, juristes/fiscalistes au sein des entreprises…).

3. Le réseau de prescripteurs et le business development
- Passer d’une approche individualiste du développement à une véritable gestion du réseau de prescripteurs coordonnée, à une approche par comptes-clés, à une approche sectorielle ;
- Développer un réel partage des savoirs et coordonner l’approche du marché, avec un véritable pilotage (indicateurs de performance) et une volonté de développer des clients cabinets ;
- Revoir la stratégie de marketing dédiée et focalisée favorisant la création de thought leadership et de contenu, plutôt que focaliser les actions sur de la communication externe principalement.

4. L’organisation du cabinet et les moyens
- Professionnaliser le pilotage et le management du cabinet ;
- Développer les fonctions support et passer à un mode entreprise, définir ce qui peut être automatisé, rationalisé, optimisé.

5. Les flux de ressources et les coûts
- Passer du taux horaire tout puissant au value pricing ;
- Modifier totalement la façon de « pricer » les missions, définir les niveaux de valeur ajoutée attendus/apportés, évaluer la réalité de cette valeur ajoutée indépendamment du temps passé mais par rapport aux enjeux stratégiques du dossier, au niveau d’urgence... améliorer la sensibilisation et le suivi des équipes (notamment des juniors) tout au long du dossier.

Le changement de business model des cabinets d’avocats d’affaires ne pourra se faire qu’à travers une évolution parallèle de tous ces éléments, sans exception. Les clients l’attendent avec impatience, notant une évolution de la mentalité des associés dans les cabinets. Le premier cabinet qui mènera à bien tous ces changements aura de toute évidence pris une longueur d’avance tant l’attente est forte.