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La réflexion stratégique dans un cabinet d’avocats d’affaires

Par Jérôme Rusak, Associé, Day One

Nombre de cabinets d’avocats d’affaires doivent mener une réflexion stratégique sur leur développement. Mais concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’entend-on par vision stratégique ? Qu’implique cette vision d’un point de vue concret et opérationnel ? Et surtout, comment s’assurer que les bonnes résolutions ne feront pas « pschitt » en dépassant le cap intellectuellement satisfaisant et grisant de la bonne volonté pour atteindre la mise en œuvre effective ?

 

I) Qu’est-ce que la vision stratégique ?

1) La stratégie du cabinet s’inscrit dans une vision.

2) Cette vision consiste à se projeter à 5-10 ans (selon le plan à mettre en place) en termes de :

a) Métier : quel sera mon métier dans 5-10 ans ? Aurai-je des nouveaux concurrents ?
b) Mission : qu’apporterai-je demain à mes clients au-delà de l’expertise technique ? En quoi mes prestations faciliteront son activité ?
c) Marché : Mes clients seront-ils toujours les mêmes ? Les besoins de mes clients auront-ils
évolué ?
d) Valeurs : sur quelles valeurs souhaite-je reposer ma croissance et mon développement ?
e) Chiffre d’affaires : quel volume d’activité souhaite-je générer à 5-10 ans ?

3) La définition de cette vision stratégique nécessite de poser toutes les idées sur la table : c’est le moment de se dire les choses entre associés ! Cette phase peut être douloureuse si elle est faite honnêtement car chacun, individuellement, au sein des associés, a des aspirations personnelles et professionnelles qui peuvent s’avérer différentes. Néanmoins, il est fondamental que chacun puisse exprimer sa vision sous peine d’aboutir à un consensus « mou » qui n’engagera finalement que peu la partnership.

4) La vision doit tenir en quelques lignes, sinon, ce n’est pas une vision, c’est un fourre-tout.

II) Identifier l’impact de la stratégie sur les 5 principaux actifs immatériels du cabinet

1) Une fois la vision définie et surtout, actée par l’ensemble des associés, il est temps de réfléchir aux impacts de cette vision stratégique sur l’organisation du cabinet. Aligner l’organisation du cabinet avec cette vision stratégique constitue la condition sine qua non à sa réussite.

2) Cela signifie aligner la stratégie avec 5 actifs immatériels clefs :

a) Sur le positionnement et la marque :
- Le positionnement ;
- La stratégie de marque ;
- Le 30-3-30® (message en 30 secondes, 3 minutes, 30 minutes) ;
- Les facteurs de différenciation ;
- (…).

b) Sur la stratégie clients :
- La stratégie clients (segmentation, typologie) ;
- La stratégie prix ;
- La stratégie de développement (par secteurs d’activités, par taille, par métier…) ;
- La relation clients et le CRM ;
- (…).

c) Sur le capital humain :
- Recrutement (et à quel niveau ? Recrutement latéral ? Collaborateurs ? Confirmés) vs. Formation ;
- La gestion du changement ;
- La culture et les valeurs du cabinet ;
- La politique de gestion des talents ;
- La gestion de la pyramide par rapport aux objectifs stratégiques ;
- (…).

d) Sur l’organisation & la gouvernance :
- Le système de rémunération ;
- L’ouverture de bureau dans d’autres villes, à l’international, croissance externe, rapprochement, etc. ;
- L’ouverture du capital à des non-avocats ? Mise en place d’une interprofessionnalité ?
- La structuration de l’organisation et le benchmark par rapport aux autres cabinets ;
- La réorganisation des structures de management interne ;
- Le développement d’indicateurs de performance ;
- L’organisation de la gouvernance ;
- L’organisation de l’actionnariat / du partnership ;
- (…).

e) Sur le partage du savoir et l’innovation
- L’articulation et la structuration de l’offre du cabinet ;
- Le développement de l’innovation,
- La politique de Knowledge Management : capitalisation sur les dossiers existants, mise en place de modèles, etc. ;
- (…).

III) Assurer la mise en œuvre

a) Mettre en œuvre une stratégie, c’est-à-dire « faire ce qu’on a décidé ensemble de faire », est le plus compliqué dans un cabinet d’avocats d’affaires pour de multiples raisons, parmi lesquelles la priorité toujours donnée aux demandes des clients par rapport à l’urgence de la mise en œuvre d’actions structurantes pour le cabinet, la mentalité des professions libérales, le manque de méthode…

b) Passer le cap de la déclaration d’intention nécessite donc :
- La définition des actions et projet ;
- La priorisation ;
- La responsabilisation : chaque action doit avoir un associé en charge, qui doit rendre des comptes au reste des associés ;
- La définition d’un rétro-planning (ou roadmap) ;
- La création d’’indicateurs de performance et d’avancée du plan stratégique : si on ne mesure pas la mise en œuvre, on ne la valorise pas et in fine, elle n’a pas lieu.

La réussite d’une stratégie ou sa mise en oeuvre nécessite bien évidemment la volonté de chacun de faire ce qui a été décidé. En ce sens, la réflexion stratégique doit permettre aux associés de valider un projet commun ou le cas échéant, valider qu’un projet commun n’est pas possible. Et en tirer les conséquences.