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Développer le cross-selling dans les cabinets d'avocats

Par Olivier Chaduteau - Day One

Fort de l’axiome  bien connu que la fidélisation d’un client coûte cinq fois moins cher que sa conquête, bon nombre de cabinets ont tenté, durant ces dernières années, de mettre en place des politiques de cross-selling. Malheureusement, le nouvel eldorado promis du cross-selling s’est souvent soldé au pire par la perte de clients insupportés par ce comportement « trop vendeur », ou par une perte de temps en réunions internes interminables et guerres d’appropriation de tel ou tel client, et au mieux par quelques missions chez des clients tout surpris de savoir que le cabinet, qui les servait pourtant depuis plusieurs années, était aussi capable de les servir dans d’autres domaines (le fameux « mais, je ne savais pas que vous faisiez cela aussi ! »), ou simplement encore par une belle analyse de portefeuille clients sans aucune action ou suivi derrière.

Etre persuadé que travailler avec un client sur un dossier est suffisant pour vendre d’autres prestations c’est faire un raccourci un peu dangereux ,et sous-estimer la notion de besoins et d’attentes clients et, surtout, de nécessaire très forte satisfaction de la qualité et des services déjà proposés. Aussi, pour que le cross selling ou la mise en place de la transversalité au sein des cabinets de services professionnels soit un succès, six facteurs clés sont indispensables :

- La satisfaction clients
Si la satisfaction ne garantie pas la fidélisation, il est prouvé que la fidélisation nécessite une très forte satisfaction. Avant de vouloir intervenir sur d’autres dossiers et mettre en avant d’autres compétences, il faut s’assurer que son client est très satisfait de l’ensemble de la prestation, notamment sur les aspects qualité et valeur ajoutée.

- La cohérence de ciblage (marché/secteur)
Parmi les nombreux critères de choix d’un avocat, le nombre de références pertinentes sur le même secteur et sur un même type de dossier est très important. Aussi, avant de vouloir réaliser du cross-selling avec un de ses associés, il faut s’assurer de la cohérence du ciblage et de sa capacité à démontrer son expérience au travers de références ad-hoc. De plus, et à l’extrême pour l’exemple, si un associé travaille sur le secteur des PME et un autre sur le marché des grandes multinationales, le cross-selling sera très difficile tant les pratiques et problématiques sont différentes. La crédibilité et la cohérence sont clés.


Le relationnel (interlocuteur/influenceurs)
Un dossier est réalisé non pas avec une entreprise mais avec des hommes et des femmes. Aussi, la relation qu’un associé a avec son client se situe au niveau de ses interlocuteurs au quotidien et non pas avec l’ensemble des interlocuteurs de l’entreprise. Dès lors, compte tenu de la diversité des interlocuteurs, en fonction des compétences techniques des avocats, il se peut que la relation soit loin d’être facile à établir. De plus, suivant le positionnement de chacun, il s’agira tantôt d’un opérationnel, tantôt d’un juriste ou encore d’un directeur général ou d’un président. Aussi, et une fois encore à titre d’exemple, il peut être compliqué pour un avocat en droit social qui connait très bien, mais uniquement la DRH, de mettre en relation un de ses associés avec le responsable de la titrisation ou de la propriété industrielle… l’inverse sera, selon tout vraisemblance vrai également ! Seule l’excellente relation avec son interlocuteur et surtout sa confiance pourront permettre cette « ouverture de porte » tant souhaitée.

Les besoins et problématiques client
Une fois encore, il ne faut pas confondre « envie de vendre » et « besoins client ». A titre d’exemple, ce n’est pas parce que vous n’avez pas encore eu un dossier en droit fiscal avec votre plus ancien client qu’il a nécessairement un besoin de conseil externe en droit fiscal. Trop souvent, des stratégies cross-selling se sont focalisées, malheureusement, sur la volonté de développer telle ou telle offre chez un client plutôt que de se poser la question du besoin réel et de la problématique du dit client ! Enfin, il faudra aussi être sûr que votre cabinet à bien le positionnement, la crédibilité et les références requises pour répondre à ce besoin enfin identifié !

Le système de reconnaissance et de rémunération des associés et des équipes
« Ne se réalise que ce qui est reconnu »… Quelle que soit la reconnaissance, d’ailleurs, que ce soit un simple « Merci » ou une augmentation ou encore une évolution de carrière… Aucun avocat ne permettra à un autre avocat du même cabinet de travailler sur « son » client, s’il n’y voit pas un intérêt et une réelle reconnaissance au sein de son cabinet. Malheureusement, il ne semble pas que l’intérêt ou la satisfaction du client suffisent ! Combien de stratégie de cross-selling lancée dans des cabinets ayant une structure de rémunération en « eat what you kill » se sont soldées par un échec ? Même si cet exemple, une fois encore pour la démonstration, peut sembler extrême, il n’en est pas moins vrai. Les indicateurs de performance des associés et des collaborateurs doivent valoriser et reconnaître le cross-selling, si telle est la stratégie et volonté du cabinet, sinon cela restera de très beaux slides présentés lors des fameuses « retreat » ou « annual partners’ meeting ».

Le partage et la coordination des équipes
Etait-il seulement nécessaire de le préciser ? Une démarche clients et a fortiori de cross-selling doit être parfaitement coordonnée afin de pouvoir savoir qui connait qui, qui fait quoi, quelles sont les références utiles, et surtout quand, qui et comment rencontrer le client. La prise de rendez-vous la même semaine, voire le même jour, par différentes équipes d’un cabinet s’est trop souvent vue… mais bien sûr, pas dans le vôtre !

Enfin, et au-delà de tous ces points,  développer le cross-selling, c’est surtout se mettre dans une position d’écoute : écoute des clients, écoute du marché, écoute du législateur, écoute des concurrents, écoute de ses associés et de ses collaborateurs.