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Intelligence collective : des conversations qui changent la donne

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1376 du 10 décembre 2018
Par Thibault Vignes, associé du cabinet La Boetie Partners

Les organisations cherchent à développer l’intelligence collective, capacité essentielle pour se mouvoir dans notre monde complexe. Pour progresser, il faut commencer par travailler sur les conversations au sein des équipes de direction, car c’est ici que se donne le « LA ». Mais comment faire concrètement ? Voici trois bonnes pratiques.

Partager une intention sincère, forte et constructive

On a besoin d’augmenter le niveau d’intelligence collective sur des sujets à forts enjeux, complexes, voire franchement problématiques. Sur ce type de sujet, la première difficulté, est qu’on ne sait pas bien par où « attraper » le problème. Parce qu’il est au croisement d’intérêts divergents, ou qu’il fait l’objet de désaccords profonds, qu’il est trop vaste et complexe.

Dans ces cas-là, la conversation gagne à être orientée, non pas par un objectif de livrable, trop réducteur, mais par une intention forte, claire, et constructive.

C’est cette intention qui permet de garder le cap, surtout lorsque les échanges sont difficiles. Une intention donne du sens à tous les efforts faits pour avancer. Elle oriente mais n’enferme pas les échanges, qui ont grand besoin de liberté pour que la solution, la voie à suivre se dégagent.

Mettre tout sur la table

C’est le parti pris de l’intelligence collective :  en rassemblant un maximum de données, on augmente la capacité du groupe à résoudre le problème. Sur les sujets complexes, les données sont de deux natures : les informations factuelles – appelons-les « le réel » – et les différentes « lectures » que l’on en fait – appelons-les « représentations ».

Pour le réel, c’est surtout une affaire de préparation : il faut rassembler les faits, les constats clés, les chiffres, et les présenter d’une façon suffisamment neutre, pour éviter les levées de bouclier. Pour les représentations, la clé réside dans un changement très fort par rapport aux conversations habituelles : il faut retarder au maximum le moment de la discussion, aider chacun à explorer et exprimer sa représentation, les autres écoutant et cherchant uniquement à comprendre. Il est tentant en effet de réagir, de rebondir, de contester ou d’abonder, de se jeter sur une idée séduisante ou de repousser un truc bizarre, stoppant ainsi le fragile flux qui consiste à « tout mettre sur la table avant d’en parler ».

Passer des « je » au « nous »

Il faut certes que chacun apporte sa représentation. Mais il va bien falloir réussir à passer des « je » au « nous » ! La « conversation qui change la donne » est un moment collectif et décisif, où se construit dans le groupe une conscience partagée d’une menace (ou d’une opportunité), une décision de changement, ou encore une énergie d’action. Ce « nous », il faut réussir à le capturer : « en entendant les différents points de vue, quelle décision nous semble la plus cohérente avec l’intention qui nous rassemble ? »

Parfois ce passage au « nous » est délicat, parce qu’on a l’impression d’être englué, perdu, voire franchement bloqué. Il est utile alors de solliciter des participants « porteurs du principe de solution ». Ceux que le groupe écoute parce qu’il a confiance en eux, dans leur capacité de discernement et de recul dans les moments délicats. Ils vont contribuer à sortir le groupe de l’ornière, à se saisir d’un fil qui va permettre de repartir dans une direction résolutoire.

Thibault Vignes LJA1376 Intelligence collective