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Ne laissons pas nos valeurs à la porte du cabinet !

Par Emmanuelle Vignes

Un client demande à être accompagné avec son équipe. Il se plaint que ses collaborateurs « jouent en solo », ne s’entraident pas. Pire : dès qu’ils le peuvent, ils se « glissent des peaux de bananes ». Du coup, la méfiance est reine. L’ambiance est de plus en plus mauvaise au sein de l’équipe. Chacun travaille dans son coin.

Le client a conscience que le travail gagnerait en qualité si les valeurs qui tournent autour de la solidarité et du respect, étaient davantage présentes au sein du cabinet et en particulier dans son équipe.

Nous décidons d’organiser un séminaire d’une journée dans ce sens. Chacun reconnaît « se protéger de l’autre », se sentir peu ou pas soutenu dans les « coups durs ». Un travail est alors réalisé sur les valeurs autour desquelles ils désirent vivre leur métier d’avocat : respect de chacun ; respect du travail de l’autre ; entraide ; ponctualité ; intégrité ; professionnalisme ; etc.

La journée se termine et chacun quitte le séminaire satisfait de ces nouvelles « règles » de fonctionnement, basées sur des valeurs - sincèrement - partagées.

Quelques mois plus tard, le client revient sur le sujet : « au début, j’ai vu un progrès. Puis, très vite, plus rien. C’est comme avant ! Ils sont indécrottables ! Que dois-je faire ? ».

En revoyant les personnes de l’équipe, une à une, les mêmes remarques sortent à propos de l’associé : « Il nous parle de respect de la personne… Et il nous hurle dessus comme à des abrutis. Il nous parle de respect du travail de l’autre… Et ne fait jamais un compliment, ne nous associe pas au résultat. Il nous parle d’intégrité… et nous savons bien que certaines factures sont gonflées par des frais qui n’ont rien à voir avec le dossier (i.e. notes de taxi). Etc. ».

Que se passe-t-il ?

En réalité, cet associé et les membres de son équipe sont tout à fait sincères quand ils expriment leur volonté de travailler selon les valeurs qu’ils ont eux-mêmes énoncées. D’ailleurs ce sont des valeurs qu’ils portent dans leur vie privée. Mais lorsqu’ils se sont retrouvés dans le stress de leur réalité au cabinet, chacun a repris ses « bonnes vieilles » habitudes. En commençant par l’associé ! Bien entendu, cela n’a pas échappé aux collaborateurs pour qui, du coup, la démarche manque totalement de crédibilité. Et l’associé a perdu la sienne au passage, sur ce terrain du moins.

De la cohérence avant toute chose

Lorsque nous décidons de construire un esprit d’équipe autour de valeurs, il est essentiel qu’au niveau opérationnel il y ait une réelle cohérence et que cela se concrétise dans nos principes d’organisation et de gestion ! Et je n’aborde pas ici la question de l’éthique. Mais si ces trois niveaux ne sont pas alignés chez nous, nous perdons en puissance (ici entendue comme notion positive du pouvoir) et en efficacité. Et le contraire est vrai : si nous appliquons les principes que nous énonçons à nos équipes, nous gagnons en efficacité et en performance !

Si le leader, en l’occurrence l’associé, n’applique pas la règle, comment imagine-t-il demander aux autres de l’appliquer ?

Nous gagnerions tous à viser à être cohérent plutôt qu’à être exemplaire. Nous avons tous nos moments de faiblesse et c’est normal. Mais comment peut-il demander à son équipe de l’entraide, s’il ne se positionne pas en « ressource » pour elle en cas de difficultés ? Comment demander aux gens de se respecter, de le respecter, s’il leur parle mal ou les ignore ? Etc.

Ne laissons pas nos principes à la porte du cabinet. Veillons à ce qu’ils teintent chacune de nos actions et notre relation aux autres. Chacun y gagnera et à bien des niveaux. Á commencer par nous-mêmes.