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Les rackets

Par Emmanuelle Vignes

Je suis très ennuyé par le comportement d’un de nos associés qui se met de plus en plus souvent en colère. Malgré nos efforts, aucun d’entre nous n’est arrivé à un résultat satisfaisant avec lui. Cette situation devient délicate car lors de réunions d’associés, un certain nombre se braque ou finit par rester totalement muet. Sans compter l’impact que cela a sur l’ambiance du cabinet. Que faire?

Vous ne pouvez rien faire à sa place.
Vous faites état de toutes les initiatives tentées par les uns et les autres : gentillesse, soumission, colères, mutisme, etc. Aucune ne semble avoir porté ses fruits.
Nous sommes nombreux à minimiser l’importance de l’expression et du ressenti de nos émotions. Pourtant, elles sont bien présentes et nous fournissent, lorsque nous avons les décrypter, des informations précieuses (même dans le travail !) sur la personne qui les exprime : notre interlocuteur ou nous-même. Nous partons aussi trop souvent du principe qu’une personne « est colérique » et que c’est comme cela. Certains en sont même fiers. Encore une fois, n’enfermons pas la personne dans un statut définitif, donnons-lui une chance d’être « autre chose » aussi.
D’où vient cette colère ? Pourquoi est-elle récurrente ? Pourquoi est-elle plus présente chez les uns que chez les autres ?


Il y existe des multitudes de raisons. Parmi elles, il y en a une qui me paraît tout à fait intéressante : celle du racket.
En analyse transactionnelle, « le racket est la substitution de l’expression d’un sentiment ou d’une émotion, profonde et authentique, par l’expression d’un autre sentiment ou d’une émotion plus « acceptable » socialement parlant », comme nous l’expliquent les auteurs de l’ouvrage cité en référence (cf. ci après)
Le racket n’est pas une usurpation ou un vol comme nous avons l’habitude de l’entendre dans le langage commun.

Rappelons qu’il y a quatre émotions principales : la joie, la colère, la tristesse et la peur. Voyons-les un peu comme les couleurs primaires en peinture. Si nous associons deux émotions, nous obtenons un sentiment. Exemple : la peur associée à la colère donnent la jalousie.
Revenons au racket. Nous avons coutume de donner l’exemple de l’homme qui exprimera plus facilement sa colère en société qu’une profonde tristesse ou qu’une peur tenace. Imaginons qu’un de vos associés sente que la structure veut se séparer de lui, nous voyons bien qu’il sera sans doute davantage tenté d’exprimer sa colère plutôt que de pleurer dans vos bras.
Parfois l’émotion est donc remplacée par un sentiment : certains d’entre nous lorsque nous sommes très contrariés et qu’il nous est impossible de dire notre colère, nous ressentons une profonde fatigue. Dans ce cas, il est fort probable que dans notre enfance, nos parents n’autorisaient pas la colère ou pensaient que nous étions fatigués. Ils nous couchaient. Nous intégrons ces données et bien des années plus tard, nous pouvons ressentir une grande fatigue (qui masque une grosse colère) et faire une cure de vitamines qui n’est, dans ce cas, pas une réponse adaptée.

Les rackets sont « des émotions ou des comportements déguisés qui cherchent à être reconnus ».
Concernant votre associé, il est très possible que derrière ses colères se cachent une peur ou une crainte (de ne pas être respecté ou entendu, par exemple), ou de la tristesse (perte d’un dossier, le sentiment de rejet, etc.). Il est important d’accueillir cette colère (et pas de tout accepter) et de chercher à voir ce qui se cache derrière. Si tout le monde se tait, votre associé n’obtient pas de réponse à son besoin fondamental. Lorsque vous aurez compris en discutant avec lui la cause de sa colère, vous apporterez une réponse constructive et sa colère tombera.
Encore une fois, c’est un sujet traité de manière bien plus exhaustive dans les livres.
Ne cherchons pas à changer nos partenaires. Essayons plutôt de décrypter (écoute active) et répondre de la façon la plus appropriée à leurs comportements. Il existe pour cela des formations, des accompagnements individuels, de lectures très utiles sur le sujet.
Il y a bien d’autres raisons possibles dont certaines seraient d’ordre thérapeutique. Nous ne les traiterons pas ici car un coach n’est pas un psychothérapeute. Et si certains le sont également, le cabinet n’est pas le lieu où tout cela doit se travailler.

>> Pour en savoir plus : « Mieux vivre avec l’Analyse Transactionnelle » – Alain Cardon, Vincent Lenhardt, Pierre Nicolas – Editions Eyrolles Pratique