Connexion

Les degrés de l’autonomie

Par Emmanuelle Vignes

En qualité d’associé, je dirige une équipe de sept collaborateurs. J’en ai formé certains et d’autres nous ont rejoints récemment. Au-delà des problématiques liées à leurs personnalités, j’ai souvent du mal à comprendre - et à accepter - certains de leurs comportements. Pourtant, j’aimerais qu’ils soient plus autonomes. J’ai bien conscience du paradoxe. Comment faire ?

REPONSE

Le concept des « degrés de l’autonomie » est certainement une des clés qui vous aidera à comprendre davantage ce qui se joue ici.
Il s’agit d’un processus complexe qui permet, entre autres, de mieux comprendre le comportement de vos collaborateurs et, par voie de conséquence, de les former à l’association dans les meilleures conditions. Les travaux de Nola-Katherine Symor, repris par Vincent Lenhardt, permettent de le décrire ici, succinctement.


La dépendance :
C’est le degré 0 de l’autonomie. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un collaborateur vient d’être recruté et ce, quel que soit son niveau d’expérience. Il se structure, apprend son métier. Le mot clé de cette étape est « Oui ». Il est sain de passer par ce stade et sain également d’en sortir !


La contre-dépendance :
C’est le degré 1. Le mot clé est « non ». Ici le collaborateur prend confiance et a le désir de s’affirmer dans l’équipe. Il peut dire « non » tout en se nourrissant de la parole de l’associé. C’est sans doute une des étapes les plus difficiles pour l’associé…


L’indépendance :
C’est le degré 2. Le mot clé est « moi, tout seul ». Le collaborateur se constitue une personnalité complète, compétente et responsable. Il prend l’initiative d’avoir le client en direct sans vous tenir nécessairement au courant de sa démarche dans l’instant. Et si la structure le permet, il a le désir de développer sa propre clientèle.


L’interdépendance :
C’est le degré 3. Le collaborateur peut se débrouiller seul sans solliciter le consentement de l’associé à chaque action. Il reconnaît néanmoins son autorité, tout en conservant son identité propre. Le mot clé : « Oui, si ». Ce « oui » là est différent de celui de la dépendance, en ce sens que le collaborateur pourrait s’opposer à l’action. Or, ici, il a de l’expérience et a eu l’occasion de faire ses preuves. Il a le désir d’agir en parité même s’il est conscient qu’il n’est pas, hiérarchiquement, à égalité avec vous.


Chaque passage nécessite un deuil :
Il convient de comprendre que ces étapes sont successives et qu’il est impossible de passer de la dépendance à l’interdépendance sans passer par les étapes intermédiaires. Chaque passage d’étape implique des deuils (voir fiche n°15).


Exemple
Prenons le cas du collaborateur qui revient d’une période de détachement à l’étranger ou chez un client. Il revient dans l’équipe alors qu’il bénéficiait d’une certaine indépendance. Il lui faudra un certain temps pour passer à l’interdépendance avec son associé. Il lui faudra passer par les cinq étapes du deuil : en revenant de sa mission, le collaborateur aura tendance à agir dans son coin, sans se préoccuper des autres collaborateurs, comme lorsqu’il était en détachement (le déni). L’associé aura tendance à le recadrer et lui demander de changer son comportement, ce qui rendra le collaborateur relativement agressif (colère). Il critiquera les réunions ou les conference calls inutiles selon lui, sauf à certaines conditions (marchandage). Il se peut que ces réunions soient vécues dans une certaine morosité car il doit se résigner à y participer. Il est nostalgique de l'autonomie qu’il a perdue en revenant au cabinet après son détachement (tristesse). Puis, il comprend que le travail et la coordination sont indispensables pour la bonne marche du dossier (acceptation).


Ce processus d’autonomie s’observe dans le cadre d’une relation : entre les personnes, entre une personne et une équipe, entre une équipe et le cabinet, etc. Il comporte bon nombre de paradoxes et d’ambiguïtés. Des paradoxes, car le collaborateur a besoin de l’associé pour apprendre à se débrouiller seul face à sa note ou son dossier. Des ambiguïtés, car un même collaborateur peut être dans la dépendance sur le plan relationnel avec le client, contre-dépendant vis-à-vis des autres membres de l’équipe, indépendant sur le plan technique et interdépendant avec les autres équipes du cabinet.


Il est essentiel que l’associé maîtrise ce processus pour qu’il puisse déléguer ses pouvoirs et permettre à ses collaborateurs de s’épanouir au sein du cabinet (le sens). L’accès à l’autonomie est primordial dans la formation à l’association et ce, dès les premiers mois de collaboration !