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Le bocal et la perspective

Par Emmanuelle Vignes

« Je ne sais pas à quoi c’est dû, mais il y a des jours où tout me semble insurmontable. Des jours où j’ai envie de tout arrêter. Je ne trouve plus de sens à rien. J’ai envie de bouffer mes associés. Je ne suis plus motivé. D’autres jours au contraire, la même action qui me paraissait si lourde, se réalise avec facilité et enthousiasme ! ».

Les matins où je râle en pensant aux 20 minutes de marche qu’il me faut pour aller jusqu’au métro, je me demande comment je fais pour parcourir entre 20 et 30 kilomètres par jour quel que soit le temps et sans broncher sur les chemins de Compostelle. Sans broncher et même avec joie ! Et un sac de 10 kilos sur le dos...

Comment une même action peut-elle être vécue de façon indolore, voire de façon exaltante, et d’autres fois si douloureusement ?

Je vois bien certains de mes clients, quand ils ont envie de fidéliser leur clientèle, ils sont prêts à donner le maximum, à dédier des soirées entières au bureau, à faire des gestes commerciaux, etc. S’ils n’avaient pas cette motivation de développer le business – dont ils mesurent le potentiel à venir – ils ne donneraient pas autant avec cette niaque ! La même soirée passée au cabinet leur paraîtrait interminable et pèserait lourdement sur leurs épaules sans cette motivation. Leur investissement serait infondé. La seule perspective de fidéliser et de multiplier par deux ou trois le volume de dossiers fournit l’essence, donne le sens nécessaire pour réaliser les actions à mettre en place pour y arriver.

Pour que nous puissions supporter de mettre en place certaines décisions nous concernant ou concernant nos équipes, il est essentiel qu’elles servent un but plus élevé. Pour qu’elles aient du sens, elles sont appelées à participer, à servir la construction de la vision que nous avons de notre futur proche, ou lointain.

Qu’est-ce que je veux pour moi ? Mon équipe ? Mon cabinet ? Mon étude ? Ma société ? À un an ? Cinq ans ? Dix ans ? Quel est mon Nord ?

Le risque que je prends à ne pas avoir de vision est de végéter dans mon bocal. Tourner en rond dans une eau qui croupit. Ou finir par tout quitter brutalement.

Avoir une perspective permet de se ré-oxygéner. Ne pas en avoir devient étouffant.

Je peux  aussi choisir d’élargir mes perspectives : prendre de la distance… De la hauteur. Si je sais que je dois parcourir 25 kilomètres à pied pour arriver jusqu’à ma destination du jour, chaque action est pensée dans cette perspective. De la même manière, celui qui dirige une équipe, un projet, une étude, un cabinet se pose la question : pourquoi est-ce que j’agis de cette manière-là ? Pour quoi ? Pour qui ? Dans quel but ? Ou encore : dans la mesure où mes associés et moi avons décidé que nous mènerions ce projet à tel endroit, comment devons-nous orienter nos choix, nos décisions ?
Lorsque j’ai eu trouvé un projet qui me donnait envie de vivre longtemps, alors j’ai enfin réussi à arrêter de fumer durablement.

Pensons à donner de l’ampleur, de la vision et du sens à nos actions. Et à transmettre à qui de droit cette vision. Ainsi, tous ensemble, nous supporterons beaucoup plus facilement les éventuelles difficultés qui, peut-être, se présenteront.