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L'avocat et le stress : "Je me fuis ou je me rencontre"

Par Emmanuelle Vignes

Mon métier est un métier difficile. Franchement c’est dur. Nous travaillons sous la pression 24h sur 24h, 7 jours sur 7. J’ai l’impression de n’en faire jamais assez. Je suis pendu à mon blackberry le week-end, je rentre tard le soir. J’avance. J’ai mal au ventre. Et pourtant j’adore mon métier. Mais je sens, qu’au fond, je vais mal et je me le cache à moi-même. Je survis plus que je ne vis. Je regarde mes confrères. Sont-ils dans le même état que moi ? Ceux à qui je me confie parfois me l’avouent aussi secrètement que mon propre aveu. Pourtant nous sommes enfin « au sommet ». Quand je me sens un peu mieux je me dis que c’est normal. Et qu’il y a beaucoup plus à plaindre que moi. Que dois-je faire ? Y a-t-il quelque chose à faire ?

Le discours que vous tenez n’est pas rare. Mais son contenu est encore tabou. Comme un secret de polichinelle. Beaucoup d’avocats que nous rencontrons craignent d’être jugés. Ils se donnent tellement de mal pour être « au top », que l’idée qu’un coach vienne leur « révéler » des défauts leur est plus que pénible. Pourtant, il ne s’agit pas du tout de cela. Bien au contraire.

Il ne s’agit pas non plus, comme me le disait récemment un client, de vivre dans « le monde des bisounours » où tout le monde est beau et gentil. Il ne s’agit pas de fuir la réalité parfois difficile du marché et de la profession. L’espace temps créé à l’occasion d’un accompagnement, est aussi – et d’abord - un espace d’écoute et d’échange. Une aire de dépôt.

Or dans ce milieu, comme d’en d’autres, il est important d’avoir un certain recul pour appréhender les choses dans les meilleures conditions. Comme si nous attendions d’être au bord du « burn-out » ou d’avoir problème de santé physique pour prendre de la distance.
Dois-je m’écouter, oui ou non ? Et si je m’écoute, est-ce que cela fait de moi un mauvais professionnel ? Nous nous trouvons beaucoup de bonnes excuses pour ne pas nous écouter.
Le bien-être au cabinet. Pourquoi cette notion passe-t-elle très souvent derrière le reste ? « Nous venons le ventre noué, nous sentons bien que l’ambiance est morose voire angoissante, et nous nous jetons à corps perdus dans nos dossiers » m’avouait encore récemment un avocat. « L’idée de nous faire coacher sur ce point n’est pas notre priorité. Et, en vous parlant, je me demande pourquoi au fond » .

Je me fuis ou je me rencontre ? Je suis dans le déni ou je fais face ? Quel bénéfice tirons-nous à ne pas avouer notre souffrance au cabinet, à affronter les conflits, les problèmes qui viennent gangréner notre quotidien et qui sont un frein à notre performance. Quel est notre seuil de résistance ? Pourquoi attendre le dernier moment ? Celui-là où « le virus » a contaminé l’ensemble de la structure ?

Se faire coacher en équipe ou individuellement, c’est – toute proportion gardée - comme se faire vacciner. La température peut monter au moment où l’on aborde les sujets délicats, mais au bout du compte, nous soignons (« prenons soin de ») l’ensemble.

Et nous sommes bien plus efficaces « bien portants » qu’en souffrance. Il est important de traiter les sujets tels que le système de rémunération, la formation des collaborateurs, les conflits, le développement du cabinet à un an, cinq ans, dix ans, etc. avant qu’ils ne nous fassent irrémédiablement face en engendrant des dégâts qui auraient pu être évités.
Alors, oui il y a quelque chose à faire.

Le chemin vers une meilleure rentabilité n’est pas toujours celui que l’on croit.
Et vous, où en êtes-vous ?