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Démarchage et publicité : les récentes précisions apportées par le Conseil d’État (1re partie)

Par par Brigitte Van Dorsselaere, Image juridique

Le cadre de la communication des avocats continue à se construire : lors de deux décisions du 9 novembre dernier, le  Conseil d’État a, en effet, eu l’occasion de réaffirmer le droit pour les avocats de diffuser de la publicité par voie de tracts, affiches, films, radio ou télévision et de confirmer la validité de trois autres restrictions du RIN (Règlement intérieur national) relatives à la communication des avocats, notamment l’interdiction de faire de la publicité comparative ou dénigrante, de démarcher par sms et de choisir un nom de domaine générique (N. B. : cette dernière interdiction sera analysée dans une seconde partie, publiée ultérieurement).

1. La publicité via des moyens audiovisuels autorisés

Rappelons qu’en ce domaine, le décret du 12 juillet 2005 (modifié par le décret n°2014-1251 du 28 octobre 2014 - art. 2 sur la réforme du démarchage) renvoie à l’article 2 du décret du 25 août 1972, qui encadre le contenu des communications commerciales :

•    L’article 15 du décret du 12 juillet prévoit : « La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposés et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant. La publicité s'opère dans les conditions prévues par le décret du 25 août 1972 susvisé » ;
•    Selon l’article 2 du décret du 25 août : « La publicité en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique ne peut être faite par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées ».

Le Conseil d’État estime que les dispositions du décret de 2005, qui renvoient au décret du 25 août 1972, sont annulées : n’excluant pas l’article 2 de ce texte, elles sont contraires à l’article 4 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE). En effet, aucune raison d’intérêt général n’est invoquée pour justifier cette interdiction, formulée en caractères généraux.  

Et ce n’est pas nouveau. Rappelons que le Conseil d’État avait déjà jugé que cette interdiction générale faite aux avocats était illégale. En effet, en décembre 2013, il avait estimé que les articles du décret interdisant la publicité personnelle par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées ne s’appliquaient plus aux avocats (CE, 6ème/1ère SSR, 13 déc. 2013, n° 361593).

D’ailleurs, notons que le RIN ne fait plus référence aux supports même de publicités utilisés, mais pose les limites applicables à tous types de publicités (avec les interdictions de publicité mensongère ou trompeuse, comparative ou dénigrante, de nature à induire en erreur) et souligne l’importance de respecter les principes essentiels de la profession.

2. L’interdiction de faire de la publicité comparative ou dénigrante confirmée

L’alinéa 1 de l’article 15 du décret du 12 juillet 2005 interdit d’intégrer des éléments comparatifs ou dénigrants dans la publicité pour assurer le respect des règles professionnelles qui garantissent l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession d’avocat.

Or, au niveau communautaire, l’article 24 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur oblige les États membres à supprimer toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées et à veiller à ce que ces communications respectent les règles professionnelles conformes au droit communautaire, qui visent notamment l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession, en fonction de la spécificité de chaque profession. Les règles professionnelles en ce domaine doivent ainsi être « non discriminatoires », « justifiées par une raison impérieuse », « d’intérêt général » et « proportionnées ».

Il s’agissait donc de savoir si le texte du décret était conforme à la directive. Pour le Conseil d’État, cette interdiction est bien justifiée et n’est pas contraire à l’article 24 de la directive car :

•  Les dispositions de la directive imposent que les règles concernant les communications commerciales faites par les professions réglementées ne soient pas discriminatoires ;

•  Les États membres peuvent prévoir des restrictions, tenant au contenu ou aux modalités de ces communications commerciales si elles sont justifiées et proportionnées.

3. L’interdiction de démarcher par sms également confirmée

L’alinéa 3 de l’article 15 du décret du 12 juillet 2005 prohibe le recours à la sollicitation personnalisée au moyen de « messages textuels » reçus sur des téléphones portables.

Pour le Conseil d’État, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur car :

•    Le « caractère intrusif » de ces « minimessages » les apparente au démarchage téléphonique, qui est lui même interdit ;
•    Leur format court ne permet pas de respecter les obligations d’information, qui sont posées par le RIN.

[...]

La suite de cette fiche outil sera publiée ultérieurement sur le site de LJA