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Communication : lutter contre 10 idées reçues avec le vade-mecum du CNB

Par Brigitte Van Dorsselaere

En mars 2016, le Conseil national des barreaux (CNB) a diffusé son vade-mecum de la communication des avocats. Un document pratique et concret qui permet aux avocats de mieux comprendre les nouvelles règles applicables, de découvrir les pratiques des confrères à travers les décisions rendues par le CNB et de se familiariser avec les moyens de communication de plus en plus variés qu’ils peuvent utiliser. Un guide qui nous a amené à revenir sur 10 fausses idées reçues en matière de publicité personnelle (1) afin de mieux les corriger et faire ainsi avancer la profession et les aider à agir face à la concurrence.

1. L’avocat est contraint, en matière de communication, par des règles restrictives et rigides : faux. Les règles se sont largement libéralisées et le CNB fait même preuve d’incitation à communiquer et de souplesse d’interprétation.
Si la 1re édition de ce guide, élaboré par la Commission des règles et usages du CNB, fournit, dans son contenu de nombreuses informations concrètes destinées à aider les avocats à « valoriser leur domaine d’activité », il souligne surtout, dans son esprit, la nécessité actuelle pour l’avocat de communiquer. « N’hésitons plus : communiquons ! » : tel est l’appel lancé par Pascal Eydoux, président du CNB, dès l’introduction. L’avocat « doit être visible et afficher davantage ses compétences […] pour évoluer dans un environnement toujours plus concurrentiel et pour répondre à la demande de droit », du fait des nouvelles réglementations applicables, notamment en matière de démarchage, qui constituent un « véritable bouleversement au sein de notre profession dont les membres sont peu habitués à communiquer individuellement ».
Le guide émet ainsi des recommandations, en soulignant expressément « la nécessaire souplesse naturelle d’interprétation » des règles professionnelles.

2. La promotion des services de l’avocat est passive : faux. C’est l’inverse, elle est devenue active avec le démarchage autorisé.
Ce n’est plus le client qui sollicite l’avocat sur un service donné, mais l’avocat qui peut proposer ses services à une personne déterminée, physique ou morale, cliente ou non. Le phénomène s’est ainsi inversé. Dominique Piau, président de la Commission des règles et usages du CNB, le souligne, en indiquant que la promotion des services de l’avocat « n’est plus passive, mais désormais active avec la sollicitation personnalisée » qui ouvre de nouveaux horizons.


Rappelons que depuis 2014 la publicité personnelle de l'avocat peut aussi se faire par sollicitation personnalisée ou démarchage



Rappelons, en effet, que depuis 2014, la publicité personnelle de l’avocat peut aussi se faire par sollicitation personnalisée, ou démarchage (article 13 de la loi du 17 mars 2014, relative à la consommation et décret du 28 octobre 2014). Désormais, « La publicité et la sollicitation personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession. Elles excluent tout élément comparatif ou dénigrant ». La sollicitation personnalisée peut s’effectuer par courrier, postal ou électronique, mais non par démarche physique ou téléphonique, ou par SMS, MMS et messages vocaux envoyés par le biais d’un automate d’appel. L’avocat peut donc s’adresser à des personnes, physiques ou morales, déterminées, clientes ou non, ayant une adresse postale ou électronique. Son message contiendra une offre de service et fixera les modalités de détermination du coût de la prestation, qui fera l'objet d'une convention d'honoraires (selon les exemples de rédaction de courriers proposés utilement par le CNB).

3. L’avocat ne peut démarcher des organismes et associations de défense de consommateurs : faux. C’est possible sous certaines conditions.
À cet égard, le CNB précise aussi utilement que l’avocat peut démarcher des organismes et associations de défense de consommateurs à condition qu’il leur indique les modalités suivant lesquelles ces organismes ou associations peuvent, à leur tour, en tant que prescripteur, recommander les services de l’avocat auprès de leurs membres. L’avocat ne pouvant contourner ses obligations en passant par le biais d’un tiers, il doit, en effet, obliger celui-ci à respecter lui même les règles qui lui sont imposées. À défaut, l’avocat pourrait « engager sa responsabilité personnelle, y compris sur le plan disciplinaire ».

4. Certains supports ou actions de publicité personnelle sont interdits : faux. Erreur, rien n’est exclu a priori.
Ce ne sont pas, en effet, les supports qui comptent, mais le respect des principes essentiels de la profession. Le RIN ne fait d’ailleurs plus référence aux supports même de publicité utilisés, mais pose les limites applicables à tous types de publicités (avec les interdictions de publicité mensongère ou trompeuse, comparative ou dénigrante, de nature à induire en erreur), soulignant ici encore l’importance de respecter les principes essentiels de la profession.


L'avocat peut aussi participer à des opération de mécénat, de parrainage, de sponsoring [...] ou encore diffuser sa marque par le biais d'objets publicitaires



Le guide passe ainsi en revue les supports autorisés à l’avocat pour sa publicité personnelle, des plus classiques aux plus nouveaux, en soulignant que « tout support est envisageable dès lors que sont respectés les principes essentiels de la profession ». Rien n’est donc exclu a priori. L’avocat peut ainsi communiquer de façon assez classique via une plaquette, un site, une lettre d’information, mais aussi en participant à des salons, à des conférences ou des séminaires, en organisant des évènements, en répondant à des interviews, en figurant dans des annuaires commerciaux (sans limite géographique départementale désormais, ce qui est nouveau). Mais il peut aussi participer à des opérations de mécénat, de parrainage, de sponsoring, par exemple dans les domaines du sport et de la culture, ou encore diffuser sa marque par le biais d’objets publicitaires ou faire sa promotion sur des supports plus nouveaux… y compris sur des voitures ou des jetons de caddies ! Le CNB rappelle, à cet égard, certaines de ces décisions dans lesquelles il a autorisé l’avocat - sous réserve de fournir une information sincère sur la nature des prestations proposées et du respect des principes essentiels de la profession – à engager des actions de publicité personnelle assez novatrices comme :
• afficher son nom, adresse et n° de téléphone par flocage sur sa voiture ;
• apposer des plaques aimantées sur les portes de sa voiture mentionnant son changement d’adresse ;
• faire figurer son logo et ses coordonnées sur une plaquette et une voiture participant à un rallye humanitaire dont il est partenaire ;
• laisser à ses clients des jetons de caddies de supermarchés portant ses coordonnées, sous réserve toutefois que le bâtonnier ne considère pas cela indigne de la profession ;
• acheter de l’espace publicitaire dans un stade, ou apposer son logo sur des tenues de sport ;
• envoyer ou distribuer des flyers ou tracts, par voie postale ou électronique (mais attention pas physiquement) ;
• insérer une publicité dans une publication d’un établissement d’enseignement privé sous réserve de ne pas induire en erreur le lecteur, ni constituer un acte de concurrence déloyale.

5. La publicité personnelle de l’avocat par radio ou TV est interdite : faux. C’est autorisé depuis une décision du Conseil d’État de 2013.


L'avocat peut aussi recourir à la publicité par voie de tracts, affiches, films, radio ou à la télévision



L’avocat peut aussi recourir à la publicité par voie de tracts, affiches, films, radio, ou à la télévision rappelle le CNB. Rappelons que le décret du 12 juillet 2005 (modifié par le décret n°2014-1251 du 28 octobre 2014 - art. 2 sur la réforme du démarchage) renvoie à l’article 2 du décret du 25 août 1972, qui encadre le contenu des communications commerciales et prévoit : « La publicité en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique ne peut être faite par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées ». Or, le Conseil d’État a estimé, en 2013, que ces dispositions sont annulées : n’excluant pas l’article 2 de ce texte, elles sont contraires à l’article 4 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE). En effet, aucune raison d’intérêt général n’est invoquée pour justifier cette interdiction, formulée en caractères généraux. Le Conseil d’État a ainsi jugé que l’interdiction générale faite aux avocats de faire de la publicité personnelle par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées était illégale (CE, 6ème/1ère SSR, 13 déc. 2013, n° 361593). Le 9 novembre 2015, le Conseil d’État a eu, à nouveau, l’occasion de réaffirmer le droit pour les avocats de diffuser de la publicité par voie de tracts, affiches, films, radio ou télévision.


A lire : Diffusion du 1er spot pub TV : des clients prêts à "cette évolution" selon le cabinet Coll



Le cabinet COLL (avocat au barreau de Paris) a ainsi déjà utilisé la radio en novembre 2015 et la TV, par diffusion d’un spot pub le 6 avril 2016, lors de la matinale de BFM Business, puis à 19H25 sur France 3

6. L’avocat peut se présenter en robe dans le cadre de sa publicité personnelle : faux. La robe est réservée aux salles d’audience et manifestations professionnelles.
Le CNB précise que l’avocat ne peut apparaître sur sa publicité personnelle avec sa robe, ceci étant contraire à la dignité dés lors que le port de la robe est réservé à l’exercice des fonctions judiciaires et aux manifestations professionnelles. Les portraits en robe sont pourtant assez fréquents sur les sites et plaquettes de cabinets d’avocats.

7. L’avocat peut citer le nom de ses clients à titre de référence s’il a leur accord : faux, car le secret professionnel est absolu.
Pour faire connaître ses domaines de compétences, au-delà des règles connues sur les mentions des spécialités et des domaines d’activité, le CNB précise que l’avocat ne peut citer, à titre de références, le nom de ses clients, même après avoir recueilli l’accord de ces derniers, et ce en vertu de l’obligation au secret professionnel. Une seule exception est prévue dans le cadre des procédures d’appel d’offres. Sur le site du cabinet, le CNB recommande ainsi de décrire l’activité du cabinet, en illustrant les types de dossiers traités, sans toutefois identifier le nom du client. Le CNB autorise aussi le cabinet à reprendre les communiqués de presse émanant de tiers ou de clients, destinés au public, au titre de sa communication, même s’ils mentionnent la qualité d’avocat de l’un des conseils ayant concouru à l’opération. On reconnait ici les reprises de communiqués de presse relatifs aux deals, largement diffusés sur les sites de la profession. Le site ne peut pas toutefois révéler des éléments de circonstances reçus dans le cadre de l’opération, qui sont couverts par le secret professionnel, ni reprendre des informations, même divulguées, n’ayant pas vocation à être connues du plus grand nombre.

8. Les règles relatives aux mentions des publicités personnelles s’imposent quelque soit le support : faux. Pas toujours…
Sur les supports de communication, certaines mentions s’avèrent, en effet, obligatoires (qualité d’avocat, l’adresse du cabinet, le barreau de rattachement, le type de structure). D’autres sont, en revanche, interdites : c’est le cas de toutes mentions mensongères, trompeuses, dénigrantes, comparatives, mais aussi des fonctions non liées à la profession ou des références à des fonctions juridictionnelles. Toutefois, les mentions obligatoires n’ont pas à figurer sur certains supports, faute de place : une exception est ainsi prévue pour les espaces publicitaires limités dans le temps ou dans l’espace (ex : publicité display sur Internet ou mobile, liens sponsorisés, réseaux sociaux, objets publicitaires, radio…) : les mentions obligatoires peuvent alors ici être rendues directement accessibles par d’autres moyens.

9. L’avocat ne peut citer que les avocats du cabinet dans sa publicité personnelle : faux. Il peut aussi citer d’autres professionnels.
Le CNB souligne, en effet, que l’avocat peut, dans le cadre de sa publicité personnelle, citer le nom des professionnels non-avocats collaborant de manière régulière et significative au cabinet. Il peut aussi citer des avocats ayant exercé au cabinet, ou encore mentionner la profession juridique réglementée précédemment exercée.

10. La publicité personnelle de l’avocat n’est soumise qu’au contrôle de l’Ordre des avocats : faux, aussi à d’autres autorités.


D'autres autorités peuvent intervenir en cas de manquement : la DGCCRF, l’ARPP et le Jury de Déontologie Publicitaire



La publicité est soumise à différents contrôles : celui de l’Ordre des avocats, bien sûr, à qui l’avocat doit adresser le support avant la diffusion ou, au plus tard, « simultanément à la diffusion de la publicité ». Mais, après diffusion, d’autres autorités peuvent encore intervenir en cas de manquement : la DGCCRF, l’ARPP et le Jury de Déontologie Publicitaire si une personne est choquée par le contenu de la publicité diffusée.


(1) La communication de l’avocat comprend plusieurs volets :
• La publicité fonctionnelle : la communication destinée à faire connaître la profession d'avocat et son organisation, relevant de la compétence des institutions représentatives de la profession ;
• La publicité personnelle : la communication destinée à promouvoir les services de l’avocat, y compris la sollicitation personnalisée destinée à promouvoir les services d’un avocat à l’attention d’une personne physique ou morale déterminée ;
• L’information professionnelle : la dénomination du cabinet, plaques, cartes de visite et tout document destiné à la correspondance.
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