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Une direction de l’information au sein des cabinets d’avocats : pourquoi & pour quoi faire ?

Par Nathalie Rehby, agence Satellitis

A quoi pourrait bien servir de créer et d’utiliser une direction de l’information au sein des cabinets d’avocats ?

Mais qu’est-ce que c’est ? Déjà excluons ce qu’elle ne serait pas. Il ne s’agit pas du service informatique, parfois appelé « direction des systèmes d’information ». Là le focus, ce sont les systèmes, la technologie, donc les outils. Ici, nous souhaitons parler de l’information elle-même. L’information, étymologiquement parlant, est « ce qui donne une forme à l'esprit » (Littré). C’est de la connaissance. Et il s’agit toujours de savoir ce qui se passe et de faire savoir quelque chose. C’est un fait et une relation.

Une direction de l’information dans un cabinet d’avocats (et peut être aussi dans une direction juridique ?) concernerait et regrouperait tout ce qui est traité par la communication, y compris la narration/rédaction (proche du journalisme) ou le storytelling, la documentation, le Knowledge Management (gestion des connaissances), le Record Management (archivage), le Business Development (marketing), les différentes veilles, l’Intelligence économique, les activités de community manager (animateur des communautés sur internet), voire même certains aspects de la formation, du graphisme, du Legal design, de la gestion de données personnelles ou encore d’interface avec les legaltech.

L’information dans un cabinet d’avocats concerne à la fois l’interne et l’externe (clients, journalistes, l’opinion…). Elle contribue à la stratégie du cabinet et à la réussite des avocats. Le savoir est la base, l’avocat y apporte son analyse : sa valeur ajoutée est là, quand il détient le fond. C’est bien pourquoi il confie aux supports les phases de recherche de l’information, de sa collecte, de son organisation, de sa mise en forme, de son optimisation, de sa diffusion… Nous apportons ce fond. Et nous savons définir et nous inclure dans une stratégie.

Tous ces services, directions organisées ou fonction support individuelle ou même consultant externe, contribuent à la valeur du cabinet. Les mettre dans la même direction ? Ce serait plus efficace. Parce que ce sont des activités qui souvent utilisent les mêmes données. Donc déjà, ce serait tellement plus simple et même économique pour les cabinets si ces acteurs pouvaient partager les informations qu’ils accumulent pour le cabinet. Et quel gain de temps s’ils les produisent ensemble ! Même si on ne les réunit pas dans une même organisation, les penser ensemble, en interaction serait une optimisation de gestion des problématiques qu’ils traitent. Les faire travailler ensemble serait un énorme progrès. Par exemple en partageant des outils. Ou les intégrer en mode projet. On réunit tous les concernés sur un projet commun. Ce serait puissant pour l’efficacité du cabinet, car tous ces acteurs (com’, doc, KM…) agiraient dans le même sens.

Constat…

Dans ma pratique de communication, je fais des tas de choses relevant de ces autres domaines, mais toujours dans ce bac de l’information. Je fais de la veille (intelligence économique et doc), des veilles des concurrents ou des panoramas de presse économiques et juridiques (doc), j’établis des listes de dossiers (BD, RM), je rédige avec des niveaux d’écritures selon le public concerné (KM), je rédige des parties d’appel d’offres (BD), je fais de la mise en page sur Canva (graphisme limite legal design), j’uploade des images, des textes, des photos et tant d’autres choses. La communication ne serait pas efficace sans tout cela. Depuis près de 25 ans que je fais ce métier de communiquer avec et pour des avocats, j’ai aussi remarqué que nombre de documentalistes des cabinets gèrent certains aspects de la communication. Par exemple, ils s’occupent du site internet, autrefois ils étaient les interlocuteurs des éditeurs pour les fiches annuaires, aujourd’hui ils deviennent « community manager », ils sont souvent le point d’entrée pour les classements. Etc. etc. etc.

Ecoutons Carole Guelfucci, documentaliste chez DVMB, listant ce qu’elle fait : « gestion de la bibliothèque, réalisation de produits documentaires, recherches pour les avocats et stagiaires, veille juridique, formation des avocats et stagiaires à l'utilisation des ressources documentaires, communication juridique, participation à des projets éditoriaux. Je suis également webmaster du site internet, de l'intranet général du cabinet et de l'intranet documentaire. » Interrogez vos documentalistes, vous allez voir, ils font plein de choses !

NON, ce n’est pas un problème que chacun fasse un peu de ce que l’autre profession sait faire. Ils ne sont pas en concurrence. Parce que tous sont sur ce créneau de l’information. Parce qu’ils savent analyser et définir les besoins du cabinet en termes d’efficacité et de développement. D’ailleurs, bien souvent les personnes des « fonctions supports » sont seules ou en très petits nombres, donc elles font ce qui est à faire. Faire plus que son métier de base, c’est le cas historiquement de 2 fonctions : les documentalistes et la com’ qui souvent réunit com’ (interne, externe), rédaction, BD, veille, intelligence économique. Et dans des cabinets plus étoffés, avec de nombreux supports, les structures qui réussissent le mieux sont celles qui ont su créer des ponts et des liens entre ces métiers.

En fait, comme le résume Jean Gasnault, ancien documentaliste, créateur de la Loi des Ours, sa société qui se définit comme « l'information juridique au service d'une stratégie », « Nous faisons tous le même genre de métiers. Certes avec des variantes, des spécialités, mais la base est la même ». Oui, il y a de véritables porosités entre nos fonctions. Nous sommes liés.

Alors cette proposition de construire une direction de l’information, au-delà d’une idée organisationnelle, est un appel à prendre conscience de cette complémentarité et à en jouer, pour renforcer la productivité des cabinets, pour être plus agiles devant l’évolution des métiers juridiques, pour accentuer la réussite des structures, pour « performer ».

1 : Interopérabilité de ces fonctions

Du côté de ces fonctions, nous contribuons à cette possibilité. En fait, il s’agit d’être toujours plus « inter opérables », il faut savoir sans cesse se plugger (se connecter ! ) avec d’autres compétences. Nous sommes souvent très autonomes et peu nombreux au service des avocats. Alors être multi compétent de l’information au sens général est nécessaire. Carole Guelfucci le dit « Nous sommes de plus en plus multi-casquettes », j’ajoute que nous devons tous être multifacettes. Il convient donc de comprendre ce que fait l’autre fonction support, de s’adapter aux besoins des avocats pour y répondre en pensant aux autres aspects connexes. Carole Guelfucci le souligne : « Nous sommes des couteaux suisses de l’information » et d’ajouter sur son métier « Le métier de documentaliste se transforme, se complexifie et c’est indispensable de se former. Nous sommes obligés d’ajouter de la valeur à la gestion pure de la bibliothèque, par exemple avec la veille très personnalisée. Il nous faut également maîtriser d’autres fonctionnalités plus technologiques notamment. » Pour la communication aussi, la techno a beaucoup compté dans notre nécessaire adaptation et notre ouverture à d’autres métiers.

Nos métiers sont évolutifs. Comme les avocats sont avocats et praticiens de tel ou tel domaine dans un métier sans cesse en mutation, nous sommes des généralistes de l’information, spécialistes de communication, de BD, de documentation et aussi d’intelligence économique, geek, de legal design… toujours à l’affût de nouvelles mutations. Nous devons aux avocats, nos clients et partenaires, nos donneurs d’ordre, d’être à la pointe. Carole Guelfucci résume bien les choses « nos métiers doivent conserver de l’intelligence humaine, et aussi une vision de la stratégie et du service ». Jean Gasnault souligne « Il faut apprendre à garder notre compétence d’adaptabilité ». Des compétences techniques et des soft skill bien sûr. Bref Restons curieux ! Et formons-nous.

En l’état actuel, cette interopérabilité peut déjà être expérimentée en partageant des outils (les mêmes listes de track-record au lieu de réinventer les mêmes choses pour les classements, les appels d’offres, les bases de données économiques, les veilles...), en travaillant ensemble sur des projets ciblés (comme le site internet). Enfin, sans doute aspirons-nous à nous retrouver pour échanger, mieux se connaitre, et trouver des lieux où se rencontrer entre supports.

2 : agir en mode collaboratif

C’est un « stop aux silos » que cette invitation à envisager de réunir sous l’ombrelle de l’information toutes ces activités. Jean Gasnault lance le mot d’ordre « l’avenir est collaboratif ou il n’y en aura pas ! » Et c’est ce que doivent entendre les avocats et les cabinets pour agir.

Il faut décloisonner ces fonctions pour être plus efficaces. Elles savent travailler en mode ouvert et partagé, les avocats doivent utiliser ces facilités. Ne pas casser ces cloisons, c’est prendre le risque de perte de temps, de redites qui coûtent cher, de passer à côté de projets structurant mais transverses, d’erreurs, et même parfois d’échec. Avocats, donnez-nous des missions communes, laissez-nous partager des infos et des outils. Nous savons le faire (en toute confidentialité en plus). Profitez-en !

Les avocats continueront d’incarner la stratégie du cabinet en accompagnant les supports et en favorisant le partage des savoirs internes. Déléguer n’est pas se dessaisir, vous devez même rester présent. Cette optimisation est gage d’efficacité. Les projets désincarnés par les avocats et confiés uniquement à une seule fonction échouent. Nous connaissons tous des projets de sites internet restés dans les cartons car on a oublié l’informatique ou la communication. Nous connaissons tous des projets de CRM qui ne fonctionnent pas, car on a laissé de côté la communication pour qualifier des contacts, ou les assistantes qui remplissent les fiches. Nous connaissons tous des projets de KM jamais menés car chaque pratique voire avocat du cabinet ne veut pas partager ses modèles ou ses jurisprudences obtenues, ni avec ses pairs, ni avec les supports…

Le métier d’avocat ne cesse d’évoluer. Il est face à de grandes mutations, la crise du Covid a bouleverser certaines pratiques et transformer durablement nos méthodes de travail, les projets de réformes sont en cours, bien au-delà du seul « avocat en entreprise ». L’information en mode agile peut accompagner les mutations.

Avocats, les fonctions supports de l’information sont là, écoutez-les, elles savent de quoi elles parlent. Et optimisez-les !

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