Grexit : "Nous entrons dans une zone de surveillance"
Alors que, lors du référendum du 5 juillet dernier, les Grecs se sont massivement prononcés contre les propositions des créanciers de la Grèce, le spectre d'une sortie de la zone euro de la République hellénique plane plus que jamais sur l'Union européenne. Quelles seraient alors les conséquences d'un "Grexit" pour les acteurs économiques ? Faut-il céder à la panique ? Éléments de réponse avec Sharon Lewis et Richard Jadot, avocats associés chez Hogan Lovells, respectivement responsable du département Finance au niveau mondial et responsable du département Banque & Finance à Paris.
Si la Grèce venait à sortir de la zone euro, qu'adviendrait-il des contrats en cours avec des acteurs grecs pour les entreprises étrangères ?
Sharon Lewis : Cela dépendra de ce que prévoit le contrat. Si cela devait arriver, on pourrait s’attendre à ce que, du côté grec, la devise remplaçant l’euro soit d’ordre public. Pour tout autre droit, un changement de devise ne changerait pas forcément ni le contrat, ni l’obligation de payer en euro, sauf, comme aujourd'hui, si les contrôles de capitaux continuaient, et il faudrait alors voir s'il y a illégalité ou force majeur. La sortie de la Grèce de la zone euro ne devrait pas entraîner le défaut des engagements en eux-mêmes. En revanche, elle pourrait avoir des conséquences sur les entreprises : vont-elles devenir précaires ?
Richard Jadot : Nous n’entrons pas dans une zone de panique mais dans une zone de surveillance de tous les éléments juridiques et contractuels. Ceux qui seront le mieux préparés aux prochains événements sont ceux qui auront le mieux surveillé, notamment les conséquences d’un changement de devises, du contrôle des changes, des procédures collectives, des faillites et de l’insolvabilité des entreprises grecques, ce qui implique une surveillance du droit local.
Comment les entreprises, notamment françaises, peuvent-elles se prémunir à ce stade des éventuels risques de défaillance des entreprises grecques?
S. L. : Soit les contrats contiennent certaines clauses de protection, soit c’est trop tard. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il va être possible de les renégocier. Il y a eu une grande réticence de la part des acteurs économiques à prévoir la sortie d’un pays de l’euro et ils n’ont généralement pas prévu de clauses en ce sens.
R. J. : Il faudra étudier les contrats au cas pas cas mais c’est la relation commerciale qui devra prévaloir. Les acteurs devront nécessairement trouver des solutions au-delà du droit et du contrat pour pouvoir continuer à travailler ensemble. On ne connaît pas l’impact réel d’une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro. Aujourd’hui, ce n’est pas encore une réalité.
Les risques que fait peser une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro ne risque-il pas d'inciter les investisseurs en Europe à privilégier l'attentisme ?
S. L : Le marché obligataire est déjà affecté. Il n’y pas eu beaucoup d’émissions d’obligations au mois de juin, en attendant de voir ce qui allait se passer en Grèce. Les émissions qui étaient prévues pour le début du mois de juillet n’auront pas lieu. Mais cet attentisme devrait être limité.
R. J. : Si les investisseurs sont attentistes demain avec le problème grec, ils le seront pour le monde entier, car cela signifierait qu’ils anticipent un scénario catastrophe ne se limitant pas à la Grèce, ni à l’Europe. Cela provoquerait une réaction en chaine et les investisseurs en seraient conscients. Certes, les taux d’intérêt peuvent monter pour une certaine catégorie de titres, les budgets des pays peuvent être affectés, mais on peut aussi imaginer un scénario plus rose avec une remise en question plus rapide des institutions européennes et du fonctionnement de l’Europe et une amélioration de sa crédibilité. Les investisseurs sont assez pragmatiques en général et trouveront même peut-être des opportunités. Mais le simple Grexit en tant que tel ne devrait pas entraîner un attentisme plus prononcé de leur part.
Propos recueillis par L.G.