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Les jurisprudences de la semaine - N°1292

Par DROIT&PATRIMOINE HEBDO

Chaque semaine, sur droit-patrimoine.fr, retrouvez l’essentiel des jurisprudences de la semaine.

Urbanisme - La légalité des prescriptions d’un PLU s’apprécie au regard du parti d’urbanisme retenu

Des requérants demandent l’annulation d’une délibération de conseil municipal approuvant un plan local d’urbanisme (PLU). La cour administrative d’appel accueillant leur demande, la commune forme alors un pourvoi, donnant lieu à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel. Le Conseil d’État juge que : « 4. La cour administrative d’appel a jugé illégaux les articles Ud 1 et Ud 2 du règlement du plan local d’urbanisme, dont elle a estimé qu’ils avaient pour effet d’interdire la plupart des constructions nouvelles sur les terrains non construits, au motif qu’un plan local d’urbanisme ne peut légalement fixer de règle générale ayant pour effet d’interdire la plupart des constructions nouvelles sur des terrains classés en zone U sans que cette inconstructibilité ne soit justifiée par un motif prévu par la loi. En statuant ainsi, alors qu’il appartient à l’autorité locale de définir les partis d’urbanisme que traduit le plan local d’urbanisme dans le respect des dispositions du Code de l’urbanisme, sans rechercher si les prescriptions retenues en l’espèce par le règlement des zones Ud situées en dehors de “l’enveloppe urbaine du centre” pouvaient être légalement adoptées compte tenu du parti d’urbanisme visant à ‘recentrer l’urbanisation’, tel que défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, la cour a commis une erreur de droit. »

OBSERVATIONS. Le Conseil d’État précise ici que la légalité des prescriptions d’un PLU ayant pour effet d’interdire, dans une zone U, la plupart des constructions nouvelles s’apprécie au regard du parti d’urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables (PADD), et ne sont pas limités par les motifs retenus par la loi. Un PLU peut donc limiter, ou interdire, des constructions nouvelles dans des zones U, s’il adopte comme parti d’urbanisme de « recentrer l’urbanisation ».

Réf. : CE, 2e et 7e ch. réunies, 30 juillet 2021, Commune d’Avenières Veyrins-Thuellin, n° 437709, B.

Successions - Durée de validité de la copie conforme d’un certificat successoral européen portant la mention « durée illimitée » et personnes à l’égard desquelles elle produit des effets

L’article 70, § 3, du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 précise que la copie certifiée conforme du certificat successoral européen (CSE) doit mentionner sa durée de validité qui est de 6 mois. En l’espèce, un frère et une sœur, héritiers de leur père de cujus ayant eu sa dernière résidence habituelle en Espagne, présentaient, à l’appui de leur demande de libération d’un objet sous séquestre à une banque ayant son siège en Autriche, une copie conforme délivrée au mépris des dispositions dudit texte, portant la mention « durée illimitée ». Le certificat, délivré à la demande de la sœur, mentionnait aussi le frère comme étant le bénéficiaire de la moitié de l’héritage concerné. Les juridictions autrichiennes avaient rejeté les demandes des héritiers aux motifs que seul le demandeur du certificat est en mesure de s’en prévaloir et que ladite copie ne respectait pas les prescriptions de l’article 70, § 3, du règlement.

La CJUE était d’abord interrogée sur la validité au regard de l’article 70, § 3, d’une copie certifiée conforme du certificat portant la mention « durée illimitée », et sur ses effets, au sens de l’article 69 du même règlement, à savoir s’ils doivent être reconnus sans limitation dans le temps, dès lors que cette copie était valable lors de sa présentation initiale. Une seconde question portait sur les personnes à l’égard desquelles la copie produisait effet : peut-elle valoir même pour les personnes n’en ayant pas demandé la délivrance ?

La CJUE précise d’abord que l’article 70, § 3, du règlement doit être interprété en ce sens qu’une copie certifiée conforme du certificat successoral européen, portant la mention « durée illimitée », est valable pour une durée de six mois à partir de la date de sa délivrance et produit ses effets, au sens de l’article 69 de ce règlement, si elle était valable lors de sa présentation initiale à l’autorité compétente. Elle précise ensuite que l’article 65, § 1, du règlement, lu en combinaison avec l’article 69, § 3, doit être interprété en ce sens que le certificat produit des effets à l’égard de toutes les personnes qui y sont nommément citées, même si elles n’en ont pas demandé elles-mêmes la délivrance.

OBSERVATIONS. Il convient de bien distinguer entre la durée de validité du CSE conservé par l’autorité émettrice et celle des copies certifiées conformes qui ont une durée de validité de six mois. Le non-respect de la mention de la durée de validité de la copie n’a pas d’incidence sur sa validité qui sera toujours de six mois, conformément à l’art. 70, § 3, du règlement (v. pt. 23 et 24). La CJUE décide aussi que la copie certifiée conforme ne produit pas seulement effet pour celui qui a demandé le certificat (v.pt. 41 à 43). Une solution inverse aurait engendré des frais inutiles et aurait été contraire à l’objectif poursuivi par le texte d’un règlement rapide, aisé et efficace d’une succession transfrontière (pt. 44).

Réf. : Réf. : CJUE, 6e ch., 1er juillet 2021, Affaire C-301/20,  UE et HC/Vorarlberger Landes- und Hypotheken-Bank.

Banque - Point de départ du délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en cas d’erreur affectant le TEG

Une banque consent un prêt immobilier. L’emprunteur, soutenant que la mention du taux effectif global (TEG) portée sur l’offre de crédit est erronée, assigne la banque en déchéance de son droit aux intérêts conventionnels. La cour d’appel déclare cette action irrecevable comme prescrite : elle retient, après avoir estimé que certaines erreurs évoquées par l’emprunteur ressortaient de la simple lecture de l’offre, qu’il ne peut invoquer, en outre, la découverte d’une prétendue nouvelle erreur tirée du calcul actuariel du TEG, issue de travaux d’un sachant auquel il a eu recours, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté. L’emprunteur forme alors un pourvoi. Il soutient que le délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant, dans l’offre de crédit immobilier, le taux effectif global, sans que l’emprunteur ne doive recourir à l’étude d’un sachant pour s’en convaincre ; par conséquent, s’il met en œuvre une telle étude, qui conduit à révéler une irrégularité indécelable pour un profane, on ne peut lui opposer d’en avoir retardé la commande et d’avoir ainsi reporté le point de départ du délai de prescription.

La première chambre rend un arrêt de cassation : au visa de l’article L.110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, elle juge qu’« en application de ce texte, le délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant, dans l’offre de crédit immobilier, le taux effectif global » ; la cour d’appel avait donc « écarté à tort comme point de départ de la prescription la date de la découverte par l’emprunteur d’irrégularités décelées et portées à sa connaissance par un sachant ».

Observations. La première chambre civile précise le point de départ du délai de prescription en cas de TEG erroné : la découverte des irrégularités grâce à l’intervention d’un sachant peut tout à fait constituer le point de départ de ce délai si celles-ci n’étaient pas apparentes à la lecture de l’offre de prêt. 

Réf. : Cass. 1re civ., 16 juin 2021, n° 19-20940, F-D.

Assurance de groupe - Rappel des obligations de la banque et de l’assureur

Un agriculteur conclut plusieurs emprunts pour les besoins de sa profession et adhère à l’assurance de groupe souscrite par la banque auprès d’un assureur. À la suite d’un accident du travail ayant provoqué des hernies discales avec lombo-sciatalgie et empêché la poursuite de l’activité professionnelle, l’assureur refuse la prise en charge des échéances des prêts, invoquant les exclusions de garantie relatives aux pathologies lombaires prévues par les contrats d’assurance. L’assuré assigne l’assureur en exécution du contrat et, à titre subsidiaire, la banque en responsabilité. La cour d’appel l’ayant débouté de l’ensemble de ses demandes, il forme un pourvoi.

La deuxième chambre civile rend un arrêt de cassation. S’agissant de la clause d’exclusion litigieuse, qui se terminait, après une liste de pathologies, par la formule « et autre mal de dos », elle rappelle au visa de l’article L. 113-1 du Code des assurances qu’« 6. Il résulte de ce texte que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées » ; ainsi « cette clause d’exclusion de garantie, dès lors qu’elle mentionne : et autre “mal de dos” n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application, peu important que l’affection dont est atteint (l’assuré) soit l’une de celles précisément énumérées à la clause ». S’agissant de la responsabilité de la banque, la Cour juge au visa de l’article 1147, devenu 1217 du Code civil, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, qu’« 11. Il résulte de ce texte que la banque, qui propose à son client auquel elle consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur ; 12. Il se déduit du principe susvisé que toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ».

Observations. En matière d’exclusion de garantie, les professionnels doivent être attentifs. Les clauses stipulées dans le contrat doivent être formelles et limitées et la banque qui distribue les contrats d’assurance doit s’assurer de l’adéquation des risques couverts à la situation personnelle du souscripteur, sous peine d’engager sa responsabilité sur le fondement de la perte d’une chance (Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 18-25440). 

Réf. : Cass. 2e civ., 17 juin 2021, n° 19-24467, FS-B+R.

Nomenclature des arrêts de la Cour de cassation : F : formation à 3 ; FS : formation de section ; FP : formation plénière de chambre ; D : arrêt diffusé ; P : arrêt publié au bulletin mensuel ; P + B : arrêt publié au bulletin d’information ; R : arrêt mentionné dans le rapport annuel ; I : arrêt publié sur le site internet.