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Zoom sur le télétravail et les accidents de travail

Par Benjamin Cretin, juriste accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) et membre de la commission droit social de l’AFJE

 

« Pour gagner du temps pendant les Jeux, l’important, c’est de télétravailler ! » Telle est la campagne publicitaire qui s’affiche actuellement dans le métro parisien. Si l’idée peut être louable compte tenu du flux important de touristes et des imposantes mesures de sécurité qui seront mises en place pendant la période des Jeux Olympiques, il est tout de même important d’apporter des précisions quant à certaines problématiques juridiques qui peuvent se poser. Notamment les accidents survenant pendant le télétravail.

L’article L.411-1 code de la sécurité sociale dispose qu’ » est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail ». Le législateur est aussi intervenu pour indiquer très clairement que l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail (article L.1222-9 III du code du travail). Ces dispositions instaurent une présomption d’imputabilité au travail de l’accident survenu au temps du travail et au lieu du travail. Cette présomption repose donc sur un critère spatial et un critère temporel devant être établis par le télétravailleur. Dans ce cadre, ce n’est donc pas au salarié d’apporter la preuve que l’accident est bien d’origine professionnelle.

À défaut de présomption d’imputabilité, le salarié devra démontrer la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l’occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel. Le télétravailleur bénéficie donc du même régime probatoire en matière d’accident de travail que le salarié qui exerce son travail dans les locaux de son entreprise.

Le lieu de travail et le temps
de travail du télétravailleur :
des critères d’interprétation stricts ?

Comme évoqué précédemment, les critères essentiels de l’accident de travail sont le temps de travail et le lieu de travail. Le code du travail définit le temps de travail comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. En matière d’accident de travail, il est possible d’avoir une interprétation extensive de la notion de temps de travail : la jurisprudence a notamment déjà reconnu un accident de travail pour un salarié qui se trouvait en discothèque à une heure tardive de la nuit pendant une mission à l’étranger (Cass.civ.2e, 12/10/2017, n°16-22.481).

Cette interprétation large se retrouve aussi dans la définition du lieu de travail. Le lieu de travail est généralement défini comme celui où le salarié effectue sa mission. La jurisprudence est venue élargir cette notion. Le lieu de travail, en matière de reconnaissance d’accident de travail, correspond à l’ensemble des locaux et dépendances de l’entreprise. Il peut s’agir du parking, de la cantine, des voies de circulation dans l’enceinte de l’entreprise, etc.

Cependant dans le cadre du télétravail, les premières décisions des juridictions semblent revenir à une interprétation plus restrictive de la notion de temps et de lieu de travail. Par exemple, une télétravailleuse a été victime d’une chute dans les escaliers en remontant de son sous-sol aménagé en bureau dans le cadre du télétravail. Celle-ci a chuté et s’est fracturé le coude dans la minute qui a suivi la fin de sa journée de travail. La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a refusé de reconnaître le caractère professionnel de cet accident. La cour d’appel d’Amiens dans un arrêt du 15 juin 2023 a confirmé le refus au motif que la salariée ayant débadgé avant sa chute, cette dernière se trouvait en dehors de son temps de travail et qu’elle ne se trouvait donc plus sous la subordination de son employeur. Ainsi, la présomption d’imputabilité de l’accident au travail ne pouvait s’appliquer. La salariée échouant à démontrer le caractère professionnel de son accident, la cour rejeta la demande de reconnaissance de l’accident en accident de travail (CA Amiens, 15/06/2023 n°22/00474)

Ainsi, l’accident survenu en dehors des heures ou du lieu de télétravail déclarés n’est pas présumé être un accident du travail. Le salarié doit donc démontrer qu’il existe un lien entre son accident et son activité professionnelle. À défaut, l’accident du travail ne peut pas être retenu.

La mise en place du télétravail exige que l’employeur soit particulièrement vigilant sur le lieu d’exercice ainsi que sur les horaires de travail des télétravailleurs notamment lors de la rédaction des accords ou chartes sur ce sujet, et ce afin d’éviter tout contentieux éventuel en cas d’accident.