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Vers un monde numérique sûr

Par Laura Morelli, associée, cabinet McDermott Will & Emery.

Le 25 novembre 2021, le Conseil de l’Union européenne a adopté son orientation générale sur la proposition de règlement relative aux services numériques. Cette étape constitue une avancée importante vers un environnement en ligne sûr.

Plus de 20 ans après l’adoption de la directive sur le commerce électronique de 2000, transposée en France en 2004 dans la loi sur la confiance dans l’économie numérique, l’émergence de services et de modèles économiques nouveaux, tels que les réseaux sociaux et les places de marché, utilisés quotidiennement par la majorité des citoyens, a engendré de nouveaux risques, tels que la propagation des produits de contrefaçon.

Pour relever les défis du numérique et la hausse des comportements illégaux lors de la pandémie de Covid-19, la Commission européenne a présenté, en décembre 2000, une proposition de règlement – d’application directe contrairement à une directive qui exige de recourir à une loi de transposition – relatif à un marché intérieur des services numériques « Digital services act » (DSA). Étant donné le caractère intrinsèquement transfrontière de l’internet, cette proposition vise à harmoniser les conditions de la prestation de services intermédiaires dans l’ensemble du marché intérieur, tout en renforçant le régime de responsabilité de leurs fournisseurs.

L’objectif poursuivi est de « rendre illégal en ligne ce qui l’est hors ligne ».

En substance, la proposition impose des obligations de diligences asymétriques aux différents types de fournisseurs de services numériques, selon leur taille et la nature des services fournis. Sont visés (i) les services de « simple transport », comme les fournisseurs d’accès qui, s’ils restent tiers passifs, ne sont pas responsables des activités des utilisateurs ; (ii) les services de « mise en cache » et de « moteur de recherche en ligne » qui n’engagent pas leur responsabilité s’ils ne modifient pas l’information et agissent promptement pour la retirer ou en rendre l’accès impossible ; et les services d’« hébergement », tels que les plateformes en ligne (réseaux sociaux et places de marché), qui, pour ne pas être responsables, ne doivent pas avoir connaissance de l’activité ou du contenu illicite ou, dès le moment où ils en ont connaissance, doivent agir promptement. Il est précisé que ce statut d’hébergeur ne s’applique pas aux places de marchés qui permettent à des internautes d’acheter des produits auprès de professionnels, tout en laissant croire, aux consommateurs moyens, que ces produits sont fournis par la place de marché ellemême ou sous son contrôle. Des obligations additionnelles s’appliquent aux très grands moteurs de recherche en ligne et aux très grandes plateformes en ligne (45 millions ou plus d’utilisateurs par mois).

La proposition autorise également les autorités nationales à émettre, directement contre les fournisseurs, des injonctions d’agir contre des contenus illicites et de fournir des informations concernant des internautes. Elle impose aussi aux fournisseurs de tenir les autorités informées des suites données à ces injonctions.

Des obligations supplémentaires sont imposées aux plateformes en ligne, telles que l’obligation de mettre en place des mécanismes, faciles d’accès et d’utilisation, permettant à tout utilisateur de signaler un contenu qu’il considère illicite. Les places de marché doivent, en outre, obtenir des informations leur permettant d’assurer la traçabilité des commerçants.

Le règlement bénéficie d’un champ d’application élargi. Il s’applique à tous les services intermédiaires offrant leurs services dans le marché intérieur, que les fournisseurs de ces services soient établis dans ou en dehors de l’Union, pour autant cependant qu’un « lien substantiel » avec l’Union existe, le critère de la simple accessibilité ne suffisant pas.

Il s’agit maintenant, pour la France, qui vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne, de poursuivre cette action d’envergure et de mener efficacement les discussions sur le DSA avec le Parlement européen. 

Conseil de l’Union européenne Laura Morelli McDermott Will & Emery