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Un nouveau statut social pour Miss France ?

Par Muriel Pariente, associée, cabinet Ashurst

L’existence du concours Miss France fait l’objet de nombreuses critiques depuis quelques années. Au-delà de la question sociétale, le débat devient désormais juridique.

Le 15 octobre 2021, l’association Osez le féminisme a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny visant Endemol Productions et la société Miss France. Elle soutient que la participation au concours Miss France reviendrait à livrer une prestation de travail.

En 2013, la Cour de cassation avait déjà reconnu au concours Mister France, l’existence d’un contrat de travail liant le candidat élu à la société de production. Dans la droite lignée de sa position classique concernant la requalification en contrat de travail d’un contrat de participation à une émission de téléréalité dont les candidats sont en continu sous le feu des projecteurs, la Cour avait alors étendu son analyse à l’élection Mister France, émission orchestrée par une société de production.

À l’aune de cette décision, dans le cas de l’élection Miss France, la Cour sera probablement également amenée à qualifier l’objet du contrat en cause : organisation d’un jeu dont la compétition a une existence propre et organisée de manière autonome, ou concept d’émission dont la prestation des candidates sert à fabriquer un programme audiovisuel à valeur économique.

En outre, qu’en est-il du lien de subordination ? Les candidates sont-elles réellement placées dans un état de subordination ? Autorité et pouvoir de sanction de l’employeur, participation obligatoire aux répétitions, à l’émission, respect des lieux de restauration, d’hébergement, obligation de répondre aux entretiens durant l’émission, acceptation d’être filmée et d’effectuer des chorégraphies, séances photo imposées, etc.

La reconnaissance d’un statut de salarié pour les candidates au concours le cas échéant, ne serait pas sans conséquence pour la société Miss France avec le risque de paiement des heures de travail, heures supplémentaires, indemnités de rupture, etc. Selon l’association, la relation contractuelle commencerait dès la signature du formulaire de participation, les premières sollicitations des candidates à l’échelon local étant donc également visées.

D’autres questions pourront également se poser à l’avenir. À quel type de contrat, la société Miss France devrait-t-elle recourir pour les différentes candidates mais également pour la candidate élue ? La conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée pourrait être une option mais la réalité du motif de recours, limitativement énuméré par la loi, peut sembler floue. Le choix d’un contrat de travail à durée indéterminée pourrait donc être privilégié mais pour autant, la durée maximale de la mission est déjà identifiée au moment de la conclusion du contrat. À quel titre, le contrat pourrait-il donc être rompu par l’employeur ?

Par ailleurs, l’association considère que le règlement de participation à Miss France comporterait des clauses discriminatoires. Postuler comme miss relèverait de la discrimination à l’embauche.

Conformément aux dispositions légales, une offre d’emploi ne doit pas comporter de critères discriminatoires tels que l’âge, le sexe, les mœurs, la situation de famille, les opinions politiques l’apparence physique, etc. Une exception existe toutefois pour le sexe, condition déterminante de l’emploi, notamment pour les mannequins et modèles.

Il ne fait aucun doute que le règlement de participation à Miss France comporte des critères restrictifs qui ne répondent pas au contenu d’une offre d’emploi valable (taille minimum imposée, non mariée et sans enfant, non tatouée, etc.).

Sur ce point, bien que la demande de dommages et intérêts de l’association soit symbolique, elle pourrait néanmoins, par principe, contraindre la société Miss France à modifier son règlement afin de se conformer au droit du travail français, tout particulièrement pour les critères sans lien avec la finalité même du concours. Mais qu’adviendra-t-il de ce concours emblématique ? ■