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Révision tarifaire des contrats photovoltaïques 2006-2010 : l’impact d’une « réduction » qui rime avec « suppression »

Par Jean-Pierre Delvigne, associé, et Maxime Dupuis, collaborateur, cabinet Bryan Cave Leighton Paisner

Adopté le 29 décembre dernier, l’article 225 de loi de finances pour 2021 prévoit de réduire le tarif fixé par les contrats d’achat d’énergie conclus pour les installations solaires d’une puissance supérieure à 250 kWc, en vertu des arrêtés tarifaires de 2006 et 2010. À mesure que se précisent les modalités d’application de la réforme, les inquiétudes grandissent quant à l’ampleur de ses effets.

Adopté le 29 décembre dernier, l’article 225 de loi de finances pour 2021 prévoit de réduire le tarif fixé par les contrats d’achat d’énergie conclus pour les installations solaires d’une puissance supérieure à 250 kWc, en vertu des arrêtés tarifaires de 2006 et 2010. À mesure que se précisent les modalités d’application de la réforme, les inquiétudes grandissent quant à l’ampleur de ses effets.

Telle que votée, la réforme doit aboutir à une réduction tarifaire visant à ce que les recettes dégagées par les producteurs n’excèdent pas une « rémunération raisonnable des capitaux », moyennant une clause de sauvegarde qui permet, sur demande individuelle motivée, de solliciter une dérogation à la réduction. Or, la publication des projets de textes d’application début juin a créé la stupeur au sein de la filière EnR : ils prévoient une réduction drastique du tarif d’achat, assortie d’un tarif plancher qui correspond à une quasi-suppression du tarif initial et d’une clause de sauvegarde particulièrement longue et complexe à mettre en œuvre. L’objectif du gouvernement est clair : réaliser coûte que coûte une économie de l’ordre de 7 Mds€.

Les conséquences économiques de cette réduction ont de quoi inquiéter : outre la dévalorisation de leurs actifs, les exploitants vont accuser une perte de revenus susceptible de compromettre le remboursement des dettes (junior et bancaire) contractées pour le financement de leur projet et calibrées sur le tarif d’achat initialement garanti. Ils seront également privés de bénéfices tirés de l’exploitation des centrales, jusqu’à présent utilisés pour permettre le financement d’autres projets EnR.

Juridiquement, et malgré le timide aval du Conseil constitutionnel, cette mesure interroge, en ce qu’elle remet gravement en question la parole de l’État, comme l’ont dénoncé les sénateurs lors des débats parlementaires, et elle instille dans le secteur des EnR une insécurité juridique de nature à dissuader l’investissement – national comme étranger. Insécurité renforcée par les imprécisions et incertitudes des projets de textes, liées notamment aux données sur lesquelles s’est fondée l’administration, au montant exact du tarif révisé ou encore à la mise en œuvre ardue de la clause de sauvegarde.

Nul doute que la réforme donnera lieu à un contentieux nourri. D’abord, des recours en annulation sont à prévoir devant le Conseil d’État, une fois les textes d’application adoptés, qui devraient critiquer les erreurs commises dans le choix des données retenues pour calculer le nouveau tarif ainsi que le décalage entre la réduction modérée prévue par la loi et la quasi-suppression du tarif initial à laquelle aboutissent ces textes pour un certain nombre d’installations. Le contentieux de la légalité étant long et non-suspensif, ces recours pourront être assortis d’actions en référé visant à suspendre l’application de la réduction, censée entrer en vigueur au 1er octobre 2021.

D’autres voies de recours sont envisageables : un recours indemnitaire contre l’État, à raison du préjudice subi par les producteurs du fait de la loi, sous réserve de démontrer que le législateur n’a pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice revêt un caractère anormal et spécial ; condition qui nous semble remplie en l’espèce. En outre, au vu de la soustraction de revenus opérée, un volet pénal est à l’étude en raison du caractère abusif de cette réforme, au titre d’une action dirigée contre le premier ministre et les ministres de tutelle devant la Cour de justice de la République. À l’heure où nous rédigeons cet article, des discussions sont encore en cours et la « promesse » serait faite par la CRE aux banques et fonds d’investissement ayant financé les projets concernés que leurs intérêts seraient sauvegardés.

Ce qui est sûr, à ce stade, c’est bien l’impact que cette mesure risque d’avoir pour les années à venir, en termes économiques, juridiques mais également de confiance dans le soutien qu’apporte l’État aux EnR. ■

Bryan Cave Leighton Paisner (BCLP)