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Réforme du droit des sûretés : état des lieux des principaux apports en matière immobilière

Par Laure Bonin, associée, Julien Wlodarczyk, counsel, et Malvina Dahan, collaboratrice, cabinet August Debouzy.

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 venant réformer le droit des sûretés a été publiée au JORF le 16 septembre 2021. Entrant en vigueur le 1er janvier 2022, cette réforme contient un certain nombre d’apports en matière de sûretés immobilières.

Transformation des privilèges immobiliers spéciaux. Il s’agit de l’une des plus grandes nouveautés de la réforme : les privilèges immobiliers spéciaux (privilège de prêteur de deniers, privilège du vendeur, etc.) deviennent des hypothèques légales spéciales.

L’impact de ce changement est le suivant : alors que les privilèges immobiliers spéciaux prenaient rang, de manière rétroactive, à la date de l’acte dès lors que ce dernier a été publié dans les deux mois suivant sa signature, les hypothèques légales spéciales prennent rang au jour de leur inscription, peu important la date de l’acte constitutif. Dans la pratique, cela devra conduire les notaires à procéder à l’inscription le plus rapidement possible.

Les privilèges immobiliers spéciaux nés avant le 1er janvier 2022 seront pour l’avenir assimilés à des hypothèques légales spéciales, sans préjudice de la rétroactivité de leur rang. Ceux qui n’auront pas été publiés à cette date seront inscrits au fichier immobilier selon le droit antérieur.

Hypothèque sur biens futurs. La réforme consacre le principe longtemps prohibé selon lequel une hypothèque peut être consentie sur des immeubles présents ou futurs.

Le gage. La réforme admet la possibilité de constituer un gage sur un immeuble par destination1. Cette nouveauté impliquait :

• de poser une règle en cas de concurrence entre un créancier titulaire d’un gage sur un immeuble par destination et un créancier titulaire d’une hypothèque incluant ce même bien : la réforme règle ce conflit en fonction des dates auxquelles ces titres respectifs ont été publiés.

• de modifier le régime des saisies afin permettre au créancier gagiste de saisir le bien. C’est ce qu’a prévu la réforme et ainsi les immeubles par destination peuvent être saisis indépendamment de l’immeuble pour la réalisation du gage dont ils sont grevés, à condition toutefois que la séparation avec l’immeuble auquel ils sont rattachés puisse intervenir sans dommage pour les biens.

La réserve de propriété. Le régime de la réserve de propriété (permettant de suspendre l’effet translatif d’une vente jusqu’au complet paiement du prix) est maintenu mais la réforme vient mettre fin à une jurisprudence établie et permet désormais au sous-acquéreur de se prévaloir à l’égard du créancier réservataire des exceptions inhérentes à la dette ainsi que celles nées de ses rapports avec le débiteur avant qu’il ait eu connaissance du report.

La fiducie-sûreté. La réforme ne modifie pas son mécanisme mais renforce son attractivité. Ainsi, il n’est plus exigé que les biens inclus dans l’assiette de la fiducie fassent l’objet d’une évaluation. De plus, le fiduciaire peut désormais vendre le bien confié au prix qu’il estime correspondre à sa valeur lorsqu’il ne trouve pas d’acquéreur au prix fixé par l’expert.

Les garanties grevant le fonds de commerce. Le défaut d’inscription du nantissement de fonds de commerce ou du privilège du vendeur du fonds de commerce est désormais sanctionné par l’inopposabilité de l’acte (et non plus par la nullité), ce qui renforce la sécurité juridique de cette garantie.

Par ailleurs, en cas de conflit entre créanciers inscrits sur l’entier fonds et ceux inscrits sur un seul élément du fonds, la priorité est accordée en fonction de l’antériorité de la date de l’inscription.

À l’évidence, les contours pratiques cette réforme particulièrement technique devront faire l’objet d’une clarification afin de permettre leur appropriation par les professionnels du marché. 

Notes

1. i.e., un bien mobilier considéré par la loi comme étant immobilier, en raison de son affectation à l’exploitation d’un fonds appartenant au même propriétaire.