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Pilier 2 : mettre en oeuvre un système toujours en construction malgré l’adoption de la directive par l’UE

Par Emmanuel Raingeard, associé et Delphine Bocquet, associée, cabinet PwC Société d’Avocats

Le projet de réforme de la fiscalité internationale intitulé « Pilier 2 » entend assurer que tout groupe d’entreprises multinationales (« groupe d’EMN ») dont le chiffre d’affaires consolidé sur deux des quatre derniers exercices atteint 750 M€ soit assujetti à un taux effectif d’imposition de 15 %, dans chacune des juridictions où il exerce son activité. Pour ce faire, un modèle de règle GloBE a été élaboré et approuvé, le 14 décembre 20211, par le cadre inclusif OCDE/G20 (ci-après « cadre inclusif ») qui regroupe désormais plus de 140 juridictions.

Quelques mois plus tard, un commentaire détaillé était publié2 ainsi que des exemples3. Ce droit souple n’a, en tant que tel, aucune force contraignante et doit être transposé par les États. C’est l’objet de la directive, adoptée le 15 décembre 2022, visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union4. Mises à part quelques divergences liées au contexte (juridique ou politique) européen, la directive reprend très largement le modèle de règles.

Cependant, la construction du système GloBE ne s’est pas achevée en 2021 et ne le sera pas de sitôt ! Ainsi, le cadre inclusif a-t-il publié, le 20 décembre 2022, de nouveaux documents importants : les régimes de protection (plus connus sous leur appellation anglaise de « safe harbours »)5, la déclaration d’informations GloBE6 et la prévention des risques de double imposition7. Plus récemment, le 2 février 2023, le cadre inclusif a publié d’importantes « interprétations administratives »8 lesquelles commentent - mais parfois ajoutent (ou même contredisent) - le modèle de règles.

Le juriste ne manquera pas de s’interroger sur la valeur de ces derniers textes de droit souple pour l’application et l’interprétation de la directive, d’autant que les instructions administratives sont appelées à se multiplier dans les mois et les années qui viennent. La directive doit désormais, à son tour, être transposée, avant la fin 2023, dans le droit interne des États membres de l’UE. Ainsi, dans l’Union, les groupes dans le champ d’application de GloBE seront, en principe, assujettis à l’impôt minimum pour leurs exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, c’est-à-dire pour l’exercice 2024. Si la déclaration fiscale « GloBE » ne devra être déposée que mi-2026 (pour les groupes dont l’exercice coïncide avec l’année civile), les groupes devront être en mesure d’estimer leur charge d’impôt pour les besoins de la publication des comptes financiers 2024, voire être à même d’effectuer un commentaire sur l’impact de cette réforme lors de la publication des comptes 2023.

Or, la détermination du périmètre du groupe, et le calcul du taux effectif d’imposition préalable au calcul de l’impôt complémentaire GloBE le cas échéant dû, nécessitent beaucoup de données. Ces données n’étant pas toutes en lecture directe, voire existantes, des travaux préparatoires importants sont nécessaires et pourraient nécessiter des changements dans les procédures de reporting, des évolutions des systèmes d’information, ou même l’adjonction de nouveaux outils.