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Partage de la valeur : la nouvelle obligation de négocier sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice

Par Anna Milleret-Godet, associée, DELSOL Avocats

L’article 8 de la loi n° 2023-1107 du 19 novembre 2023 a instauré une nouvelle obligation de négocier sur la définition et le partage d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal. Cette obligation doit être mise en place avant le 30 juin 2024 pour un bon nombre d’entreprises. Mais comment définir cette notion ?

Depuis plusieurs années, de nombreux dispositifs dits de « partage de la valeur » ont été créés. Leur objectif est d’accroître la compétitivité des entreprises tout en valorisant toujours mieux le travail des salariés, et cela dans le cadre d’un traitement fiscal et social attractif. En dernier lieu, la loi susvisée élargit l’éventail des outils de partage de la valeur afin de booster ces dispositifs. C’est ainsi que le législateur a notamment instauré une nouvelle obligation de négocier sur la définition et le partage d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal désormais inscrite à l’article L. 3346-1 du code du travail.

Les entreprises concernées par cette obligation sont celles tenues de mettre en place un dispositif de participation (dont le seuil d’effectif de cinquante salariés est atteint depuis cinq années civiles consécutives) et dotées d’au moins un délégué syndical. Cette obligation ne s’applique donc pas aux entreprises qui ont mis en place un accord de participation ou d’intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ou un régime de participation plus favorable aux salariés que la formule légale.

Ces entreprises sont désormais obligées de négocier sur les conséquences d’une potentielle augmentation exceptionnelle du bénéfice en matière de partage de la valeur. On rappellera qu’il s’agit d’une obligation de négocier (certes, loyalement) mais pas de conclure un accord. La négociation porte sur deux points :

• Le premier concerne la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice dans leur entreprise. À cet égard, le texte mentionne un certain nombre de critères pouvant être pris en compte, tels que la taille de l’entreprise, son secteur d’activité, la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n’ont pas donné lieu à des attributions aux salariés d’actions gratuites selon la réglementation légale (articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 et L. 22-10-59 et L. 22-10-60 du code de commerce), les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les évènements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice. Ces critères semblent être alternatifs mais le texte impose leur prise en compte. Au-delà de ces critères, une grande marge de manœuvre semble être laissée aux négociateurs qui peuvent s’inspirer de notions comptables (résultat) ou fiscales (revenu) pour parvenir à cette définition. L’augmentation doit, en tout état de cause, être « exceptionnelle ».

• Le second concerne les conséquences de cette augmentation exceptionnelle. Les parties peuvent soit s’entendre, avant la réalisation du bénéfice exceptionnel, sur les modalités de partage de la valeur qui seront mises en œuvre en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice, par le biais du versement d’un supplément de participation ou d’intéressement, soit prévoir l’ouverture d’une nouvelle négociation, encore sans obligation de résultat, sur la mise en place d’outils de partage de la valeur spécifiques, une fois l’augmentation survenue.

Cette négociation doit être engagée lors de l’ouverture d’une négociation sur la mise en place d’un régime d’intéressement ou de participation pour les entreprises ne disposant pas d’un tel accord ; ou pour celles déjà dotées d’un tel dispositif avant le 30 juin 2024. Il convient donc pour les entreprises qui ne l’ont pas encore fait de se saisir rapidement du sujet.

Sanction. Notons, enfin, que cette obligation de négocier n’est assortie d’aucune sanction. En revanche, il est probable qu’en l’absence de négociation à ce sujet, les organisations syndicales exigent son ouverture. Par ailleurs, et compte tenu du niveau de risque financier inhérent aux dispositifs de partage de la valeur en cas de redressement Urssaf, nous ne pouvons que conseiller d’engager de telles négociations.