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NFT : enjeux juridiques et fiscaux

Par Melanier Erber et Alexandre Polak

Depuis une loi du 28 février 2022, les maisons de vente sont autorisées à procéder à des ventes aux enchères publiques de NFT. Le NFT (non fungible token), ou jeton non fongible, est un jeton numérique unique et indivisible dont l’authenticité est certifiée par une blockchain.

Il est matérialisé par un code alphanumérique associé à un smart contract inscrit dans la blockchain, et se stocke dans un wallet, portefeuille numérique créé via un prestataire en ligne permettant de centraliser les actifs numériques de son titulaire. Le plus souvent, ce jeton est associé à un contenu numérique qui peut être de différente nature (tweet, item de jeu vidéo, oeuvre d’art, etc.).

Le NFT se caractérise par sa non-fongibilité, et bénéficie de l’inviolabilité, de la traçabilité et de l’authenticité de la blockchain. Sa valeur découle de son unicité. Peu importe que l’image, l’oeuvre ou le tweet soit librement consultable et reproductible sur internet, il n’existe qu’un seul jeton. La difficile qualification juridique du NFT rend délicat son encadrement. Néanmoins, cet actif est soumis à des règles de droit préexistantes, notamment en droit de la propriété intellectuelle.

Ces règles servent ensuite de support pour caractériser les flux économiques découlant de cet actif afin d’en tirer les conséquences sur le plan fiscal. Lors de la création du NFT (mint), il est indispensable d’encadrer contractuellement l’association du contenu numérique au code inscrit dans la blockchain, d’autant plus si le NFT implique des droits de propriété intellectuelle. En effet, en principe le formalisme strict des contrats de licence ou de cession de droits de propriété intellectuelle s’applique, et les obligations concernant la durée de la licence, l’énoncé limitatif des droits visés ou encore l’étendue territoriale s’imposent. D’un point de vue fiscal, le mint n’entraîne pas de conséquence en luimême. C’est en revanche la patrimonialisation de l’actif qui a des conséquences fiscales en tant que sources de revenus régulières ou ponctuelles.

En propriété intellectuelle, la détention du NFT implique un certain nombre d’enjeux puisque la titularité de la représentation visuelle de l’oeuvre est dissociée la titularité de son support. Le propriétaire du NFT est donc propriétaire du fichier numérique inscrit dans la blockchain, mais pour le reste, l’étendue de ses droits sur la représentation ou la reproduction du bien associé au NFT est limitée, en fonction de ce qui est prévu dans la licence qui lui est accordée. Enfin, concernant la cession du NFT, le recours à la technologie blockchain représente un réel avantage pour l’authentification des oeuvres d’art et la traçabilité des transactions.

D’un point de vue fiscal, l’imposition des gains de cession du NFT va en principe dépendre de la qualification juridique du NFT en lui-même. Il faut donc faire une analyse au cas par cas. Il existe en revanche une difficulté quant à la qualification juridique du flux (redevance, revenu distribué, etc.) lorsque le NFT est une source de revenu régulière passive, et donc une difficulté concernant son régime d’imposition.

Pour les gains de cession, si le NFT est considéré comme un simple actif numérique, il est imposé à la flat tax de 30 % pour les particuliers (possibilité d’opter pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023 pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu). Pour les cessions réalisées par des professionnels personnes physiques, les gains sont dorénavant imposés comme bénéfices non commerciaux. En revanche si le NFT est par exemple assimilé à une oeuvre d’art, la fiscalité y afférente devrait s’appliquer, à savoir une imposition au taux forfaitaire de 6,5 % sur le prix de cession. Enfin, de façon générale, l’échange entre NFT devrait être considéré comme une opération intercalaire ne déclenchant pas d’imposition. Seul le fait de convertir le NFT en FIAT (monnaie étatique) ou de s’en servir comme contrepartie à l’achat d’un bien ou d’un service devrait déclencher la fiscalité (et d’autres sujets comme l’application de la TVA par exemple). Le régime juridique et fiscal de ces actifs nécessite donc d’être encore clarifié afin de garantir une protection et une sécurité juridique efficientes pour leurs porteurs.