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Loi ELAN : Vers un meilleur équilibre économique des opérations de transformation de bureaux en logements ?

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires - N°1350 - 14 mai 2018
Par Anne Petitjean, avocate associée chez Herbert Smith Freehills

Outre les objectifs d’amélioration de la politique du logement, de la simplification et de l’accélération de l’acte de construire, le projet de loi évolution du logement et aménagement numérique (Elan), dont les débats parlementaires débuteront le 28 mai prochain, vise également à faciliter la transformation des immeubles de bureaux en logements en proposant la mise en œuvre de moyens destinés à améliorer l’équilibre économique des opérations de transformation de bureaux en logements.

Les moyens qu’il met en œuvre se déploient autour d’un volet urbanisme et d’un volet construction.

S’agissant du volet urbanisme, l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme, qui permettait déjà de déroger aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d'aires de stationnement pour autoriser la transformation à usage principal d'habitation d’un immeuble existant, dans un objectif de mixité sociale, voit son champ d’application élargi en ce que les dérogations pouvant être appliquées à la transformation de bureaux vacants en logements n’auront plus à être motivées par un objectif de mixité sociale. L’immeuble transformé pourra ainsi :

Bénéficier d’une majoration de 10 % du volume constructible tel qu’il résulte du gabarit, de la hauteur et de l’emprise au sol, et ce quelle que soit la nature des logements (libres, sociaux ou intermédiaires).

Bénéficier d’une dérogation quant à la création du nombre de places de stationnement, là encore indépendamment de la nature des logements.

Déroger aux servitudes de mixité sociale prises pour l’application de l’article L. 151-15 du Code de l’urbanisme, à condition que la commune ne fasse pas l’objet d’un arrêté de carence en matière de logement social.

S’agissant du volet construction, il est prévu de créer une catégorie d’immeuble de « moyenne hauteur » qui privilégiera des règles de sécurité incendie adaptées pour faciliter la mutation de bureaux en logements, afin de minorer les coûts techniques liés à la transformation de l’immeuble.

L’efficacité de ces mesures sera néanmoins largement, voire essentiellement tributaire de la bonne volonté des élus locaux, qui pourront, par décision motivée, déroger aux règles de leur plan local d’urbanisme et qui décideront in fine de délivrer ou pas le permis de construire correspondant. Le nouveau dispositif n’oblige ainsi pas l’autorité compétente à accorder systématiquement les dérogations susvisées en matière de gabarit, d’aires de stationnement ou de mixité sociale.

On peut ainsi anticiper la réticence de certains élus à renoncer aux objectifs de mixité sociale comme à Paris, par exemple, où dans les zones de déficit en logement social, une part minimum de 30 % de logements sociaux est exigée pour les projets de changement de destination notamment dont la surface d’habitation concernée est supérieure à 800 m².

Si cette réforme ne règle certes pas le problème de l’attractivité de certains locaux de bureaux vacants, dont le potentiel de transformation est limité de facto par leurs caractéristiques techniques ou par leur situation, au cœur des quartiers d’affaires ou dans des zones périphériques, qui se prêtent peu à l’installation de logements attractifs, il n’en demeure pas moins que le projet de loi, s’il est confirmé ou amélioré, pourra rendre plus attractives certaines opérations immobilières transformant des immeubles de bureaux en logements. Les débats parlementaires nous permettront d’en savoir plus sur le devenir de cette réforme. Il conviendra notamment d’être attentif à d'éventuelles mesures permettant l'augmentation de la majoration du volume constructible au-delà des 10 % initialement prévus, ce qui n’a pas été exclu par le gouvernement.

Herbert Smith Freehills Anne Petitjean Loi ELAN ELAN