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L’importance de l’audit en propriété intellectuelle en amont d’une prise de participation dans une entreprise

Par Par Vanessa Bouchara, associé fondateur de Bouchara & Avocats 

Les levées de fonds sont un levier essentiel de financement pour les entreprises qu’elles soient matures ou au stade de start-up. En règle générale, vérifier la santé financière de la cible, ses perspectives, ses contrats commerciaux ou encore ses contrats de travail, est la priorité des acquéreurs qui, bien souvent, ne font pas suffisamment cas des actifs de propriété intellectuelle de l’entreprise cible et surtout ne se demandent pas si ceux-ci ont été correctement protégés.

Pourtant, la réussite de l’opération d’investissement est dépendante du résultat des dues diligences menées en amont et une mauvaise appréciation des questions liées à la propriété intellectuelle est susceptible d’engendrer des risques majeurs pour les investisseurs et pourrait même la compromettre.

U

n audit en propriété intellectuelle comporte des spécificités. Il ne s’agit pas seulement d’auditer les marques et brevets. Les droits d’auteur, droits sur les logiciels et le savoir-faire particulier de l’entreprise, ainsi que l’ensemble des contrats liés à ces droits doivent impérativement faire l’objet d’une due diligence poussée.

En ce qui concerne les marques, il est important de savoir que le seul fait qu’un dépôt existe ne sera pas suffisant pour sécuriser la levée de fonds.

Sans que cette liste ne soit limitative, il conviendra de s’assurer que la ou les marques :

• sont au nom de la société, et pas de son dirigeant par exemple ;

• sont bien enregistrées en lien avec l’activité effectivement exercée par l’entreprise ;

• sont enregistrées telles qu’elles sont exploitées (marque nominale et dernier logo en date par exemple) ;

• sont enregistrées dans tous les territoires dans lesquels la société exerce son activité ou pourrait être amenée à l’exercer.

Il faudra aussi se demander si le nom des produits de l’entreprise, qui sont souvent centraux sur le plan commercial, a été déposé en tant que marque. Pour chacune des marques, il convient de se poser la question de leur distinctivité, qui est une condition essentielle de la validité d’une marque et qui signifie qu’une marque doit être en mesure de distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux de ses concurrents. Par ailleurs, il faudra également vérifier si la disponibilité de la marque a été vérifiée au moment du dépôt. À défaut, l’entreprise sera en risque puisqu’un tiers titulaire d’un droit antérieur pourra se manifester cinq ans après sa connaissance du dépôt effectué au mépris de ses droits. Enfin, il faudra s’assurer que les autres actifs, notamment les noms de domaine, sont détenus par l’entreprise titulaire des marques.

En ce qui concerne les brevets, il faudra vérifier la titularité, la consistance du brevet et s’assurer de qui est l’inventeur (et des conséquences légales applicables). La condition de validité en matière de brevet est que l’invention soit nouvelle, c’est-à-dire qu’elle ne porte sur une innovation qui a déjà été rendue accessible au public, il est important d’assurer qu’une recherche a été réalisée en ce sens. Par ailleurs, les droits sur un brevet sont limités à 20 ans et l’échéance doit être connue du repreneur.

En ce qui concerne les droits sur les actifs créatifs de l’entreprise, y compris les droits sur les logiciels, il faut s’assurer que la société en est bien titulaire et qu’elle dispose le cas échéant de contrats de cession. Cela s’applique également aux salariés de l’entreprise qui doivent avoir cédé leurs droits. Toutefois, il existe une exception pour les logiciels créés par des salariés de l’entreprise, dans ce cas-là la cession n’est pas obligatoire.

Lorsque les actifs de propriété intellectuelle ne sont pas suffisamment sécurisés, les conséquences peuvent être extrêmement lourdes pour l’entreprise. En matière de marque par exemple, si un tiers se prévaut de droits antérieurs et obtient gain de cause, l’entreprise pourrait être interdite d’utiliser sa marque. Dans ce cas l’entreprise pourrait être condamnée à indemniser un tiers qui disposerait de droits antérieurs, et perdre en valeur du fait des conséquences d’un changement de nom (changement de packagings, d’enseigne, de site internet, mais aussi frais de communication associés à un changement de marque, ainsi que baisse des ventes puisque le consommateur ne retrouvera plus la marque en qui il plaçait sa confiance). De la même manière, si une marque devait être considérée comme non distinctive, le monopole sur ce signe serait perdu par son titulaire et un ou plusieurs concurrents pourraient l’utiliser, ce qui serait lourd de conséquences d’un point de vue économique. Négliger la valeur des actifs de propriété intellectuelle et les répercussions d’une protection juridique approximative de ceux-ci porterait préjudice à l’ensemble des parties prenantes.

Les garanties de passif ne suffisent pas à couvrir ces risques car elles n’ont qu’une vocation indemnitaire.