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L’été agité des management packages

Par Xavier Colard et Bertrand de Saint Quentin, associés, cabinet Cazals Manzo Pichot Saint Quentin.

Par trois arrêts de principe en date du 13 juillet 20211, la plénière fiscale du Conseil d’État (CE) précise le traitement fiscal de certains gains issus de management packages en plaçant le critère du lien salarial au cœur de l’analyse, suscitant par là même des incertitudes nouvelles dans le maniement des instruments utilisés.

L’ambiguïté de la rédaction de la décision de principe Gaillochet du 26 septembre 20142, renouvelée dans les arrêts Wendel-Solfur3, avait suscité un fort questionnement quant à la place qu’occupait réellement, dans le raisonnement du juge de l’impôt, les critères du risque capitalistique et de modicité de l’investissement réalisé pour les besoins de la qualification de certains gains issus de management packages. Perturbés également par la jurisprudence sociale de la Cour de cassation4, les acteurs du private equity avaient adapté leur pratique malgré les incertitudes des conséquences de ces solutions.

C’est à ces interrogations que le CE a entendu répondre avec méthode, en se prononçant sur trois pourvois distincts dont il était saisi et qui mettaient en jeu des bons de souscription d’actions (BSA) et contrats d’option d’achat d’actions (COA), moins usités de nos jours. Trois enseignements principaux peuvent ainsi être distingués.

 

Le premier est le séquençage trilogique de la vie de ces instruments. Le CE confirme en effet l’existence de trois gains distincts susceptibles d’en émaner : (i) un gain d’acquisition l’année d’acquisition ou de souscription, (ii) un gain de levée d’option l’année de son exercice et, finalement, (iii) un gain de cession l’année où cette dernière se réalise. Ces trois gains doivent par ailleurs, précise le CE, faire l’objet d’une analyse distincte.

 

Le deuxième repose sur une méthode fournie par les juges pour procéder à ces analyses. Ainsi, le gain d’acquisition doit (i) d’abord être identifié par l’existence d’un « prix préférentiel » (ii) avant d’être qualifié d’avantage salarial ou de plus-value sur valeurs mobilières. Concernant le gain de cession des BSA, cette dernière catégorie est celle qui, par principe, est vouée à l’accueillir tandis que celle des traitements et salaires (TS) ne devrait s’appliquer qu’exceptionnellement.

 

Le troisième enseignement met au cœur de la qualification des gains issus de management packages la notion de « fonctions de dirigeant ou salarié », tant pour les gains d’acquisition et d’exercice qui doivent « essentiellement (y) prendre leur source » que pour les gains de cession qui doivent, quant à eux, en « constituer la contrepartie ». C’est en effet par le filtre de ce critère central que le CE casse les arrêts rendus dans les pourvois n° 437498 et 428506 et, à l’inverse, confirme celui rendu par la CAA de Versailles (n° 435452).

 

L’avenir offert à cette grille d’analyse, comme celui de la pratique qui doit désormais s’adapter, demeure cependant incertain. En effet, contraint par son rôle de cassation, le CE a dû se contenter d’esquisser un faisceau d’indices permettant d’appliquer le raisonnement qu’il vient de mettre en lumière. À ce titre, l’on retiendra particulièrement l’incessibilité des instruments, leur rendement variable en fonction de la performance du projet, la présence de clauses de « leavers » ou encore une terminologie inspirée du droit du travail. La présomption d’imposition en TS des gains de cession d’actions cédées immédiatement après la levée d’option ne permet pas, bien au contraire, de rassurer les praticiens et les contribuables désormais suspendus à la casuistique à laquelle se livreront les juges du fond et qui s’interrogent sur l’applicabilité de ces solutions à la pratique plus contemporaine des management packages.

Notes

1. CE, 3e, 8e, 9e et 10e chr. réunies, 13 juillet 2021, n° 428506, 435452, 437498.

2. CE, 3e et 8e ss-sect. réunies, 26 septembre 2014, n° 365573.

3. CE, 10e et 9e chr. réunies, 12 février 2020, n° 421444 et 421441.

4. C. Cass., 2e ch. Civile, 4 avril 2019, 17-24.470.