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Les mutations dans le monde de la santé : exercice en société des professions libérales réglementées et réforme des centres de santé

Par Par Simonetta Giordano, associée, cabinet Simmons & Simmons

À travers les nouveaux textes dans le secteur des services de soins, l’objectif du législateur est clair : la qualité et la sécurité des soins doivent être assurées. Quelles conséquences pour les investisseurs ?

Clarification du droit des sociétés d’exercice libéral

Codification à droit constant

Le gouvernement clarifie ce dispositif avec l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 qui entrera en vigueur le 1er septembre 2024. La codification à droit constant est une bonne nouvelle pour un secteur qui est en train de se consolider sous l’effet des coûts des équipements.

Même si les premiers projets d’ordonnance avaient éveillé des inquiétudes car ils modifiaient le dispositif dans une direction peu favorable aux investisseurs, le résultat final maintient les mécanismes fondamentaux auxquels les praticiens ont eu recours pour construire les premiers groupes de professionnels libéraux en France.

Principal sujet à retenir : les investisseurs pourront continuer de détenir des actions de préférence leur donnant des droits économiques prioritaires, tout en conservant aux professionnels libéraux le contrôle de la structure.

Les centres de santé sous le microscope du législateur

Contrer les dérives

À la suite de plusieurs dérives, telles que l’affaire Dentexia, le législateur a renforcé le cadre juridique autour des centres de santé. Une proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé a ainsi été adoptée en deuxième lecture par le Sénat le 9 mars 2023.

Les centres dentaires et ophtalmologiques ou orthoptiques dans le viseur

Deux principales nouveautés impactent particulièrement la structuration des investissements :

- Rétablissement de l’agrément du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) lors de l’ouverture de centres. Celui-ci a un caractère temporaire pendant une année, année durant laquelle une visite de conformité peut être réalisée par les tutelles.

Afin d’obtenir l’agrément définitif, des déclarations de liens d’intérêts des membres de « l’instance dirigeante » devront notamment être faites. Seront également transmis obligatoirement les contrats liant l’organisme gestionnaire (i.e. l’association qui gère les aspects médicaux) à des sociétés tierces (i.e. sociétés de services auprès desquelles l’association externalise toute la partie commerciale et administrative), selon des critères qui seront définis par voie réglementaire. Il s’agit donc de garantir l’exercice de l’activité médicale dans la plus grande indépendance.

Les centres déjà ouverts devront également effectuer cette demande d’agrément dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi (d’ici mi-novembre environ).

- Un comité composé de professionnels médicaux exerçant dans le centre devra systématiquement être constitué.

Il aura pour mission de veiller à la mise en place d’une politique d’amélioration continue de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins. Les comptes rendus de leurs réunions trimestrielles doivent être fournis au directeur général de l’ARS.

La gouvernance des centres de soins

La loi fait état de plusieurs modifications touchant cette fois tous les centres (c’est-à-dire pas seulement les centres dentaires et ophtalmologiques ou orthoptiques), dont une doit être soulignée : l’interdiction d’exercice d’une fonction de dirigeant de la structure gestionnaire (i.e. l’association qui gère les aspects médicaux) à toute personne ayant un intérêt, direct ou indirect, avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à ladite structure.

Dès lors à l’avenir, dans les opérations fonctionnant autour du tandem organisme gestionnaire (i.e. l’association qui gère les aspects médicaux) / société de services, le choix de l’instance dirigeante de l’organisme gestionnaire est désormais central.

Une amende dissuasive

L’amende administrative prononcée par l’ARS peut désormais s’élever à 500 000 € (contre 150 000 € auparavant) et peut être assortie d’une astreinte journalière plafonnée à 5 000 €.

Le bilan des nouveaux textes, encore une fois, est relativement équilibré (sous réserve du contenu des décrets à venir). Il ne remet pas en cause les structures existantes, qui ont d’ores et déjà drainé des investissements importants. Mais il va résolument dans le sens renforcé de la qualité et la sécurité des soins, fondement du système de santé français. Et surtout, les décrets seront à suivre avec attention !