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Les multiples contours des analyses de liberté d’exploitation

Par Frédéric Chevallier, associé du cabinet Herbert Smith Freehills

Il est commun pour une entreprise de faire évaluer la contrefaçon potentielle de son brevet par un produit concurrent afin, le cas échéant, de s’opposer à sa commercialisation et de pouvoir ainsi jouir pleinement du monopole d’exploitation conféré par ce brevet. Il devient également commun qu’une entreprise (ou un investisseur) effectue une valorisation des actifs d’une société tierce en analysant ses brevets.

Prenons le portefeuille de brevets comme outil de valorisation des actifs d’une société, tant au regard de la validité des brevets que de leur potentielle contrefaçon par un produit concurrent. Il faut ici envisager à tout le moins deux scenarii. Un premier cas d’analyse de liberté d’exploitation consiste à évaluer la possibilité pour une société (dans laquelle l’investissement est envisagé) de demeurer en monopole sur un marché en opposant un ou plusieurs brevets à ses concurrents afin de leur interdire la commercialisation d’un produit contrefaisant. Dans un second cas, l’analyse porte sur l’évaluation par un investisseur de la liberté d’exploitation du produit de la société dans laquelle il souhaite investir, au regard de brevets détenus par un ou plusieurs tiers.

L’analyse de la liberté d’exploitation dans ces deux cas de figure est en réalité similaire. L’investisseur va ainsi chercher à faire évaluer l’existence d’une contrefaçon en comparant le champ de protection d’un brevet aux caractéristiques du produit en cause.

Cette analyse portera alors, d’une part, sur la validité dudit brevet au regard de ce qui existait déjà dans ce qui est décrit comme l’état de l’art ou l’état de la technique. C’est cette analyse de validité qui permettra de déterminer précisément le champ de protection offert par le brevet, en établissant notamment des probabilités relatives aux chances de succès que le brevet soit reconnu valable ou nul en cas de contentieux. D’autre part, l’analyse impliquera de comparer les caractéristiques du produit visé au champ de protection ainsi défini, afin là encore de déterminer au moyen de probabilités si ledit produit serait vraisemblablement jugé contrefaisant en cas de contentieux.

Ce sont ces risques relatifs à la validité des brevets constituant le portefeuille d’une société ou de contrefaçon avérée de ses produits qui vont permettre d’influer sur la valorisation de ses actifs.

Concernant l’analyse d’un portefeuille de brevets comme outil d’évaluation des risques inhérents à la commercialisation de produits susceptibles d’en constituer la contrefaçon, il est ici encore nécessaire d’envisager deux situations aux termes desquelles, d’un côté, une entreprise fait évaluer le risque inhérent à la commercialisation d’un produit au regard de brevets détenus par un tiers et, d’un autre côté, une entreprise évalue la possibilité de faire interdire notamment la commercialisation d’un produit concurrent en ce qu’elle estime ce produit comme étant une contrefaçon de son brevet.

Il s’agira alors de déterminer les risques liés notamment à la commercialisation d’un produit qui peut s’avérer contrefaisant et ainsi être retiré du marché (outre les dommages et intérêts encourus au titre de la contrefaçon), ainsi que les risques propres à une action en contrefaçon qui peut entraîner une décision de justice négative au titre de la contrefaçon et/ou de la validité du brevet, et ainsi amoindrir la position commerciale de son titulaire.

À cet égard, il convient de garder à l’esprit que la contrefaçon engage tant la responsabilité civile que pénale de son auteur, de sorte que s’assurer qu’un produit ne contrefait pas le brevet d’un tiers revêt une importance toute particulière. Au titre de la responsabilité civile, sont notamment interdits les actes de fabrication, d’offre, de mise dans le commerce, d’utilisation, d’importation, d’exportation, de transbordement, ou de détention à ces fins du produit objet du brevet. 

Frédéric Chevallier Herbert Smith Freehills