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Le Pilier 2 arrive, préparez-vous !

Par Charles Briand, associé à Paris, et Jeff Van der Wolk, associé à Washington DC, cabinet Squire Patton Boggs.

Longtemps annoncé, énormément discuté, le Pilier 2 est maintenant entré dans une phase concrète de transposition. L’OCDE a en effet publié, le 20 décembre 2021, les règles qu’elle suggère d’appliquer. L’Union européenne a immédiatement suivi avec un projet de directive du 22 décembre 2021.

En synthèse, les groupes ayant une présence dans au moins deux pays différents et générant un chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 M€ seront concernées par le taux minimum de taxation de 15 %.

Qui ? Il y a 137 signataires de l’engagement incluant le Pilier 2. L’Union européenne dans son ensemble est concernée.

Les regards se tournent actuellement principalement vers les États-Unis, afin de savoir si et comment ils appliqueront ces règles en raison de leur possible double emploi avec des régimes existants (GILTI). L’OCDE et l’UE ont déjà indiqué discuter des conditions dans lesquelles les règles américaines pourraient être considérées comme respectant le Pilier 2. Le but étant de limiter les difficultés d’application ainsi qu’un possible avantage compétitif pour les groupes américains.

Quand ? Le principe posé par l’OCDE est que le taux minimum de taxation devrait trouver à s’appliquer dès le 1er janvier 2023.
S’il ne fait que peu de doutes que certains pays moteurs de la réforme, tels que la France, chercheront à les mettre en œuvre au plus vite, le court délai posé comme objectif ne devrait pas être respecté dans la majorité des cas. À titre d’exemple, la Suisse a annoncé vouloir s’y conformer pour le 1er janvier 2024, là où la Grande Bretagne se positionne pour avril 2023.

Pour les États européens, le projet de directive prévoit lui une transposition en droit interne prenant effet dès le 1er janvier 2023, sauf pour le filet de sécurité de la règle des paiements insuffisamment taxés dont l’application ne serait effective que l’année suivante.

Que faire ? Bien que nous anticipions un délai plus long de transposition, cela ne remet pas en cause le besoin pour les groupes transnationaux de se préparer. À cette fin, un certain nombre d’actions sont à entreprendre dès 2022 :

1. Confirmation de l’application du Pilier 2 : si le groupe est présent dans au moins deux pays, dont un au moins compte transposer les règles de la taxation minimum, et a généré un chiffre d’affaires annuel de plus de 750 M€ au cours de deux des quatre dernières années.

2. Calcul du taux effectif d’imposition des filiales : ce calcul doit se faire par application de règles communes (il ne suffit pas de reprendre les comptes consolidés ou les liasses statutaires), puis être consolidé par juridiction. À ce stade, pour avoir un premier mapping des pays à « risque » il est certainement opportun de partir des résultats statutaires des filiales en attendant plus de précisions sur les règles de calculs et la mise en place d’outils informatiques adaptés aux règles Pilier 2.

3. Détermination de palliatifs éventuels : une fois les zones exposées aux nouvelles règles identifiées, il pourra être possible d’envisager des mesures adaptées afin de se mettre en conformité avec ce nouveau contexte de fiscalité mondiale. Ce point est d’autant plus important que le taux minimum de 15 % ne s’applique pas à l’ensemble du groupe, mais au niveau des pays. En d’autres termes, un groupe ayant un taux effectif d’imposition de plus de 15 % pourrait être concerné par ces règles. Dès lors, une appréhension non adaptée de la réforme pourrait avoir pour double effet d’augmenter le taux effectif d’imposition local, mais aussi celui du groupe.

En conclusion, si le calendrier de transposition du Pilier 2 reste flou, il est certain qu’une bonne préparation au cours des mois qui nous séparent de leur application est nécessaire pour limiter les risques d’effets non contrôlés.

Ce contrôle se fera en tout état de cause dans un cadre toujours plus mouvant et contraignant, il est en est pour preuve, par exemple, le projet de directive sur les sociétés écrans.