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Le lancement des Règles de Prague : nouvel outil pour l’arbitrage international ?

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1384 du 11 février 2019
Par Flore Poloni, counsel, cabinet August Debouzy

Les Règles sur la conduite efficace des procédures en arbitrage International, les « Règles de Prague », ont été publiées le 14 décembre 2018 pour tenter de réduire la durée et le coût de la procédure d’arbitrage.

Rédigées par des avocats de juridictions de droit civil, ces règles confèrent au tribunal arbitral des pouvoirs d’investigation importants. Elles se présentent comme une alternative aux Règles de l’IBA sur l’administration de la preuve dans l’arbitrage International, considérées par certains comme dominées par l’approche anglo-saxonne. L’objectif est de « fournir un cadre et/ou des recommandations aux tribunaux arbitraux et aux parties sur la manière de renforcer l’efficacité de l’arbitrage en encourageant un rôle plus actif des tribunaux arbitraux dans la gestion des procédures »1.

Le tribunal est encouragé à prendre le dossier rapidement en main et à jouer un rôle très actif dans l’établissement des faits2. A ce titre, il peut notamment de son propre chef ordonner la production de preuves documentaires, demander que la disponibilité de certains témoins soit assurée, nommer des experts, ordonner des inspections sur site. Le postulat sous-jacent de ces prérogatives est que des arbitres impartiaux et indépendants devraient être plus enclins que les conseils des parties à un règlement rapide et efficace du litige.

La production de documents est limitée. Les parties et le tribunal arbitral sont même invités à l’éviter3. Une partie peut toutefois demander à ce que certains documents précis soient produits par l’autre partie, sous réserve de l’accord du tribunal arbitral qui peut alors définir lui-même la procédure de production. La confidentialité des documents produits est expressément prévue.

Concernant les témoins, il appartient par exemple au tribunal de décider discrétionnairement lesquels seront interrogés lors de l’audience4. Les parties peuvent néanmoins insister pour qu’un témoin particulier soit convoqué. Le tribunal supervise ensuite les interrogatoires lors de l’audience5. à la différence des Règles de l’IBA, qui prévoient un cadre uniforme pour les experts qu’ils soient nommés par le tribunal ou par les parties, les Règles de Prague envisagent principalement le cas des experts nommés par le tribunal et rémunérés par les parties6. Le tribunal arbitral est particulièrement impliqué dans la réalisation de sa mission par l’expert. Les parties peuvent néanmoins toujours recourir à leurs propres experts si elles le jugent nécessaire7.

Deux autres aspects intéressants des Règles de Prague : (i) le tribunal arbitral doit solliciter l’avis des parties s’il estime nécessaire d’appliquer des dispositions légales ou jurisprudentielles non invoquées par ces dernières ; (ii) le tribunal arbitral est encouragé à assister activement les parties dans la recherche d’un règlement amiable à leur différend, notamment en agissant en qualité de médiateur si les parties y consentent par écrit8.

Dans la mesure où le consentement constitue l’essence même de l’arbitrage, il paraît tout à fait souhaitable que les utilisateurs puissent choisir, au plus tôt, la culture juridique qui devra inspirer le tribunal dans la conduite de l’arbitrage. Les Règles de Prague constituent donc un outil séduisant dont il sera intéressant d’observer l’utilisation. 

Notes : 

(1) Préambule des Règles de Prague, à noter que le projet du 11 avril 2018 mentionnait spécifiquement que l’approche inquisitoire était utilisée pour renforcer l’efficacité.
(2) Art. 3.1 des Règles de Prague.
(3) Art. 4.2 des Règles de Prague.
(4) Art. 5.2 des Règles de Prague.
(5) Art. 5.9 des Règles de Prague.
(6) Art. 6 des Règles de Prague.
(7) Art. 6.5 des Règles de Prague.
(8) Art. 9 des Règles de Prague.

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