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Le financement des infrastructures sportives, entre initiative publique et investissements privés

Par Par François Lhospitalier, of counsel, cabinet BCTG Avocats et Marie Paquier, counsel

Longtemps dominé par l’initiative publique, le financement des infrastructures sportives connaît une mutation profonde avec l’arrivée croissante d’investisseurs privés, particulièrement dans le secteur du sport professionnel. Cette évolution s’inscrit dans un contexte où les équipements sportifs ne se limitent plus à leur fonction utilitaire et sociale : ils deviennent de véritables actifs économiques, générateurs de revenus, d’image et d’attractivité pour les territoires.

L’infrastructure sportive au service de l’intérêt général : la puissance publique en première ligne

Traditionnellement, les équipements sportifs de proximité (stades, piscines, gymnases, patinoires, etc.) relèvent des collectivités territoriales qui interviennent via des contrats de la commande publique (marchés publics, délégations de service public – DSP) ou des conventions d’occupation du domaine public (COT). L’État, les agences spécialisées (comme l’Agence nationale du sport), les fédérations, les clubs et les sponsors privés complètent ce paysage.

Cependant, l’implication croissante d’acteurs privés, notamment dans la construction, la rénovation ou l’exploitation de grandes enceintes sportives, impose de repenser les schémas classiques. Le choix du montage contractuel devient crucial : selon qu’il s’agisse d’un contrat de la commande publique ou d’une COT, les obligations de publicité et de mise en concurrence diffèrent sensiblement. La frontière entre ces deux régimes dépend du degré de prescription de l’autorité publique sur les activités exercées (accueil des scolaires, horaires, etc.).

Des exemples jurisprudentiels illustrent la nécessité de bien qualifier juridiquement les contrats : une COT sur des passerelles innovantes à Paris a été requalifiée en DSP, entraînant l’irrégularité de la procédure, tandis que la qualification de COT a été validée pour le Stade Jean Bouin. La rédaction des contrats doit intégrer des clauses adaptées aux enjeux publics et privés : clauses sociales, environnementales, garanties d’accès au grand public, indicateurs de performance (KPI), pénalités, tout en sécurisant les investissements privés.

 

Si les montages juridiques ne sont pas adaptés, les acteurs publics risquent de se retrouver cantonnés à la gestion d’équipements peu rentables, tandis que les infrastructures à fort potentiel seraient captées par les opérateurs privés. Dans un contexte de tension budgétaire, il serait contre-productif de se priver des apports financiers privés, nécessaires à la modernisation du parc existant.

La montée en puissance des acteurs privés dans le sport professionnel

Les clubs professionnels, portés par une logique de valorisation commerciale, souhaitent désormais contrôler leur outil de travail, voire en devenir propriétaires. Cette évolution vise à maximiser les revenus (naming, hospitalités, merchandising) et à garantir une autonomie stratégique. La propriété privée des stades est perçue comme un levier d’indépendance et de développement.

 

Le Parc des Princes illustre cette tendance : le PSG, détenu par Qatar Sports Investments, souhaite racheter le stade pour le rénover et augmenter sa capacité, mais se heurte au refus de la Ville de Paris. Le club envisage alors la construction d’un stade privé, à l’image de l’Emirates Stadium (Arsenal), du Juventus Stadium ou de l’Allianz Arena (Bayern Munich). Ce bras de fer pose la question du statut du stade comme bien public, des contreparties attendues en termes d’accessibilité et de retombées économiques.

 

Le Stade de France présente une situation différente : propriété de l’État, il est géré via une concession de service public. La récente réattribution de la concession à GL Events, groupe spécialisé dans l’événementiel, pour 30 ans, marque l’entrée de nouveaux acteurs privés et la volonté de l’État de promouvoir un modèle multifonctionnel, accueillant spectacles, salons et événements internationaux, au-delà du sport.

 

La conciliation des intérêts publics et privés passe par des montages contractuels souples et rigoureux, intégrant des obligations de service public, des mécanismes de contrôle et des clauses de préservation des finalités sociales du sport, sans négliger la performance économique. Ce modèle hybride doit permettre d’associer financements privés et intérêt général, pour une gestion durable et efficace des infrastructures sportives françaises.