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L’arbitrage international, remède adapté aux litiges en sciences de la vie et de la santé

Par Philippe Cavalieros, associé responsable de la pratique arbitrage international, et Jean Cappelié, collaborateur, cabinet Simmons & Simmons LLP.

Il était prévu que le marché mondial de l’industrie pharmaceutique dépasse, en 2023, les 1 500 Mds$ avant même la pandémie de Covid-19. Tendance qui se confirme nettement puisque dès 2019, le marché atteignait 1 106 Mds$, soit 5 % de plus qu’en 20181, sans mentionner depuis, les effets démultiplicateurs de la crise sanitaire.

Inévitablement, le secteur connaît aussi une augmentation du nombre de différends. La Chambre de commerce internationale (CCI) relevait ainsi, dans son rapport de 2019, une augmentation significative des arbitrages liés au secteur, administrés sous l’égide de sa Cour internationale d’arbitrage. Augmentation qui tient aussi aux nombreux atouts de l’arbitrage.

La confidentialité de l’arbitrage, atout majeur

L’arbitrage international présente en effet de nombreux avantages, parmi lesquels la confidentialité que les parties restent entièrement libres d’aménager. Certaines informations sensibles telles que la formule d’un médicament, les brevets, conditions de licence, prix, recettes, etc., doivent rester confidentielles dans un marché où la concurrence fait rage.

Néanmoins, lorsque des intérêts de santé publique sont en jeu, la confidentialité peut céder le pas à la transparence et l’arbitrage s’effacer devant les juridictions étatiques2 (à moins de s’entendre sur un arbitrage transparent).

L’arbitrage permet en outre de choisir son tribunal arbitral, laissant aux parties le soin de désigner les arbitres les plus compétents, pour trancher définitivement le différend, selon un droit et une procédure déterminés par les parties, avec une compréhension fine des réalités du marché et des pratiques de l’industrie.

Une grande variété des litiges, en forte augmentation avec la pandémie

La typologie des litiges réglés par voie d’arbitrage va ainsi au-delà des questions classiques de droit des sociétés et de droit contractuel. Des litiges complexes et à fort enjeu concernent souvent des opérations de recherche & développement, des brevets, licences, ou sont relatifs à la co-promotion, la distribution ou encore la sous-traitance de produits pharmaceutiques ou médicaux.

Plus généralement, une explosion des litiges en lien avec la pandémie de Covid-19, n’est pas à exclure, en écho aux bouleversements dont le secteur pharmaceutique fait déjà l’objet, notamment autour de la technologie ARNm (ARN messager).

Les rapprochements de sociétés au gré des opportunités créées par l’accélération qu’a engendrée la pandémie, laissent augurer de belles retombées… mais aussi parfois des échecs retentissants, susceptibles d’être réglés par voie d’arbitrage.

L’arbitrage d’investissement ou la recherche d’équilibre entre mesures légitimes et protection des investisseurs

Enfin, l’arbitrage d’investissement (impliquant un investisseur contre un État) ne sera, bien entendu, pas en reste. Lorsque des investissements massifs sont réalisés par des opérateurs du secteur pharmaceutique (comme la création de giga-laboratoires, de centres de recherche ou encore de sites de production), les États, désireux d’accueillir et de retirer les bénéfices de l’investissement en termes d’emplois et de retombées économiques, accordent bien souvent des avantages aux investisseurs sur une période considérée, parfois très longue. Le non-respect par l’une des parties de ses engagements engendrera, inévitablement, des contentieux importants fondés sur ces contrats ou sur des traités bilatéraux d’investissement.

Les tribunaux arbitraux devront alors trancher entre le caractère légitime des mesures prises en la matière, particulièrement en période d’urgence sanitaire, et la protection des investissements.

Face à cette recrudescence des litiges, l’arbitrage international est le mieux outillé pour répondre à la complexité des enjeux en sciences de la vie et de la santé, et satisfaire aux attentes de ses opérateurs, dans une industrie toujours plus globalisée.

Notes

1. Le Leem, Données générales du marché mondial pour 2019.

2. Contrat conclu entre la Commission européenne et AstraZeneca  : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_302.

Philippe Cavalieros Jean Cappelié Simmons & Simmons