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La réforme attendue du Règlement d’arbitrage du Cirdi : transparence, modernité, efficacité

Par Laurence Franc-Menget, associée, et Éva Gibouin, élève-avocat, cabinet Herbert Smith Freehills

Après plus de cinq années de concertations, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) a publié, le 20 janvier 2022, une mise à jour de ses règlements, dont son Règlement d’arbitrage. Il entrera en vigueur pour tous les arbitrages initiés après le 1er juillet 2022. L’objectif de cette révision approfondie vise à « moderniser, simplifier et rationaliser les règlements, tout en exploitant la technologie de l’information pour réduire l’empreinte environnementale des procédures Cirdi »

Dans un climat général où l’équilibre entre les droits et obligations des États et des investisseurs devient un enjeu majeur, et où l’un des reproches les plus virulents est celui du recours à l’arbitrage international pour le règlement des litiges entre États et investisseurs, cette refonte du Règlement d’arbitrage du Cirdi était très attendue.

Une plus grande transparence

La publication des sentences devient le principe, sauf si l’une des parties s’y oppose dans les soixante jours de son prononcé, auquel cas elle sera limitée à des extraits. Les décisions et ordonnances de procédure seront, elles, publiques. Les tiers à l’arbitrage pourront par principe assister aux audiences, sauf opposition d’une partie, et le Cirdi pourra, sur demande d’une partie, publier les enregistrements ou les transcriptions des audiences. La participation de tiers par dépôt d’écritures sous la forme d’amicus curiae est dorénavant réglementée par des dispositions procédurales et la mise en place de critères pour les accepter, notamment celui de leur indépendance. Dans le même esprit, les parties ont dorénavant l’obligation de notifier au secrétaire général du Cirdi tout financement des procédures d’arbitrage par un tiers (third party funding), ainsi que toute modification de l’accord de financement. Cela permet, notamment de traiter des éventuelles questions de conflit d’intérêts qui peuvent résulter de ces accords de financement.

L’accroissement de l’efficacité des procédures arbitrales

Des nouveautés importantes visent à remplir cet objectif d’efficacité : les soumissions seront dorénavant déposées sous forme électronique. Le Règlement institue une procédure accélérée et un délai plus strict est prévu pour le prononcé des sentences (240 jours après les dernières écritures). Les parties qui ont plusieurs dossiers en cours devant le Cirdi pourront s’accorder pour les consolider ou les coordonner. Des règles sont également prévues pour « conduire l’instance avec célérité et efficacité en termes de coûts ».

L’actualisation des outils procéduraux préexistants

D’autres modifications modernisent des outils préexistants et codifient la pratique du Cirdi : les tribunaux arbitraux disposent de critères pour ordonner des mesures provisoires aux parties. De même, l’unique article réglementant les objections préliminaires, l’exception liée au défaut manifeste de fondement juridique et la bifurcation de procédures arbitrales est désormais divisé en différentes « procédures spéciales », qui comportent des règles spécifiques de délais, de procédure et des critères à prendre en compte pour améliorer l’efficacité des procédures arbitrales. Les amendements aux règlements du Cirdi, intégrant l’expérience acquise par l’administration de centaines d’affaires, s’annoncent porteurs de profondes répercussions sur l’arbitrage d’investissement. Cette refonte démontre le souhait d’adaptation et de modernisation du Cirdi. Il reste à voir si elle répondra réellement aux critiques, objectifs ainsi qu’aux besoins ayant motivé son adoption.