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La reconnaissance légale du droit à la déconnexion : premier bilan

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires: N° 1297 du 10/04/2017, par Nataline Fleury, counsel et Claire-Marie Hincelin, avocat, Ashurst
Nataline Fleury, counsel, Ashurst


De nouvelles obligations pour les entreprises. Le droit à la déconnexion, qui avait déjà fait l’objet d’une ébauche par les partenaires sociaux, a été consacré par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (dite « loi Travail »). Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises assujetties à la négociation annuelle obligatoire doivent aborder, dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, les modalités d’exercice du droit à la déconnexion par les salariés, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur est tenu d’élaborer une charte, après consultation des représentants du personnel.*

Claire-Marie Hincelin, avocat, Ashurst


Contenu de l’accord ou de la charte. Le législateur a laissé le soin aux entreprises de définir les modalités de mise en œuvre du droit à la déconnexion, tout en précisant que les partenaires sociaux doivent négocier sur la mise en place de dispositifs permettant de réguler l’utilisation des outils numériques. Par ailleurs, la loi ajoute que la charte élaborée à défaut d’accord doit prévoir des actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.

Premier bilan. Il faudra attendre la tenue des négociations annuelles obligatoires sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail pour déterminer si les entreprises jouent réellement le jeu. Si peu d’accords et de chartes ont été publiés depuis le 1er janvier 2017, plusieurs entreprises et groupes ont anticipé la loi et pris diverses mesures plus ou moins contraignantes en la matière : fermeture des serveurs de messagerie électronique pendant des plages horaires déterminées, obligation d’utiliser les fonctions d’envoi différé lorsque les emails sont envoyés en dehors des jours et horaires habituels de travail, insertion en signature d’une phrase rappelant que les emails envoyés en dehors des heures de travail ne requièrent pas de réponse immédiate, établissement d’un bilan volumétrique des connexions à distance en dehors des heures de travail, etc.

À ce jour, plusieurs acteurs se sont emparés du sujet, lequel a par ailleurs fait l’objet de nombreuses publications. La CGT des cadres (UGICT-CGT) a publié un « guide du droit à la déconnexion » qui contient des propositions et fournit des exemples de pratiques existantes. Ce guide servira certainement de support aux syndicats dans le cadre des négociations annuelles. Par ailleurs, une startup a développé une application payante qui offre aux entreprises différentes fonctionnalités permettant de restreindre l’utilisation du téléphone ou de la messagerie sur certaines plages horaires. Reste à savoir si, en l’absence de sanctions spécifiques, les accords et chartes sur le droit à la déconnexion vont se généraliser, et, au-delà des positions de principe, prévoiront des mesures qui seront effectivement appliquées.