Connexion

La question de la langue de la procédure arbitrale

Par Aboubekeur Zineddine, traducteur assermenté et fondateur du cabinet Trad’Zine

La question de la langue de la procédure arbitrale a fait couler beaucoup d’encre et revêt une extrême importance pour les litiges. Le choix de la langue est stratégique et peut permettre au tribunal arbitral, ainsi qu’aux conseils des parties, de conduire la procédure avec célérité et efficacité en termes de coût, eu égard à la complexité et l’enjeu du litige.

L’article 20 du Règlement d’arbitrage de la CCI prévoit qu’à défaut d’accord entre les parties, le tribunal arbitral fixe la langue ou les langues de la procédure arbitrale, en tenant compte de toutes circonstances pertinentes, y compris la langue du contrat. Il ne s’agit pas d’un choix facile pour diverses raisons. Premièrement, la langue choisie déterminera les arbitres et les conseils des parties, ainsi que, probablement, le lieu de l’arbitrage. Ce choix est en outre induit par la prise en compte d’une multitude d’éléments : la langue du contrat, les correspondances entre les parties pendant toute la période d’exécution du contrat et enfin la ou les langues des parties, ou des témoins.

Quid des subtilités juridiques entre les différents systèmes juridiques ?

L’anglais apparaît le plus souvent comme la lingua franca dans le monde des affaires et permet à un grand nombre de praticiens de l’arbitrage (plus de 75 % des arbitrages de la CCI) de conduire les procédures. Cependant, à travers le recours aux services de traduction juridique, se manifeste de plus en plus une nécessité de faire appel à des professionnels de la traduction juridique capables d’assurer que les subtilités et les sous-entendus ne soient pas perdus entre les langues et ce, tant pour les traductions écrites, qu’à l’oral pour les interprètes, lors du déroulement des expertises, ainsi que durant l’audition des témoignages et les audiences.

La question des coûts de traduction

Les coûts de traduction des pièces à fournir en procédure arbitrale peuvent être élevés. À cet égard, le choix de la langue d’arbitrage est décisif pendant toute la procédure et même après le rendu de la sentence en cas d’appel, par exemple. Il arrive qu’un tribunal arbitral demande la traduction partielle des pièces probantes. Si des documents sont rédigés dans des langues étrangères que les conseils ne maîtrisent pas, les traducteurs et interprètes peuvent, par souci d’économie, réaliser des traductions à vue (traduction rapide orale dans une autre langue, d’un texte au fur et à mesure de sa lecture), aidant ainsi les juristes à déterminer la pertinence, voire l’importance de certaines pièces, communications, etc. Le respect de la langue de l’arbitrage est un élément fondamental de la bonne administration de la justice et de la procédure d’arbitrage. Le non-respect de la langue peut constituer une violation du principe du contradictoire. Le choix de la langue d’arbitrage est crucial, puisqu’il est décisif pour l’efficacité de la procédure et permet également de maîtriser les coûts liés à la traduction. Il convient de prendre en compte ce choix dès la phase de négociation ou de rédaction de la clause compromissoire.

Traductions simples ou certifiées ?

Les traductions dans le cadre d’une procédure arbitrale sont généralement réalisées de manière libre, c’est-à-dire non certifiée. Cette règle peut toutefois changer selon les pays ou les tribunaux. Le tribunal arbitral peut ordonner des traductions certifiées, ou relever des irrégularités de traductions libres. Dans ces cas-là, un tribunal arbitral peut exiger une traduction certifiée, ou prendre une décision défavorable au vu des extraits dont la traduction peut être jugée non conforme. Les traductions certifiées sont obligatoires lorsqu’il s’agit de signifier les sentences arbitrales, ou les éventuels appels interjetés contre les sentences, mais également lorsqu’une sentence étrangère doit faire l’objet d’un exequatur en France.