Connexion

Fiscalité énergétique et environnementale : décryptage & évolution

Par Par Sophie Dumon-Kappe, associée en fiscalité douanière, cabinet DS Avocats

La dernière loi de finances pour 2022 a confirmé le transfert de la fiscalité « verte » de l’administration des douanes vers l’administration fiscale. Ce transfert s’est accompagné d’un travail de recodification par voie d’ordonnance donnant naissance au nouveau code des impositions de biens et services (CIBS). Le « verdissement » des différents instruments fiscaux s’est ainsi accéléré et va se poursuivre à travers la promotion des énergies renouvelables, la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone (MACF) et la future directive relative à la fiscalité des produits énergétiques.

Depuis le 1er janvier 2022, le recouvrement des taxes intérieures de consommation sur l’électricité (TICFE) et le gaz naturel (TICGN) est transféré de l’administration des douanes vers l’administration fiscale. Le recouvrement de la TIC sur les autres produits énergétiques (i.e. essence, gazole, etc.) le sera à l’horizon 2024. Par ailleurs, le législateur a remplacé la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (Tirib) par la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (Tiruert).

La Tiruert vise à renforcer le mécanisme d’incitation fiscale à l’utilisation d’énergies renouvelables : son champ d’application est donc plus large, puisqu’elle permet notamment de prendre en compte l’hydrogène d’origine renouvelable, alors que la Tirib se limitait aux biocarburants. Il s’agit d’un mécanisme incitatif dont l’objectif principal n’est pas le paiement de la taxe, mais vise à induire une modification du comportement des redevables (principalement les dépôts pétroliers) pour améliorer l’utilisation des énergies renouvelables dans le transport.

Le redevable peut ainsi minorer le taux de la taxe à proportion de la part d’énergie renouvelable réputée contenue dans les produits énergétiques qu’il met à la consommation durant l’année considérée. Seules les énergies renouvelables répondant à des critères de durabilité stricts peuvent être pris en compte pour le calcul de la réduction du taux de la taxe. Ainsi, depuis le 1er janvier 2020, l’huile de palme a été supprimée de la liste des biocarburants ; l’huile de soja l’est, quant à elle, depuis le 1er janvier 2022 car ne répondant pas non plus au critère de durabilité. Cette promotion des énergies renouvelables à caractère durable se retrouvera également dans les dispositions de la directive sur la fiscalité des produits énergétiques (2003/96/CE) en cours de modification.

Outre cet aspect, cette directive devrait également réduire les cas d’exonération fiscale, notamment lorsque l’utilisation des produits énergétiques en tant que carburant ou combustible est particulièrement polluante. Cependant, le législateur communautaire doit préserver la compétitivité des entreprises et l’emploi : il doit éviter que les sites industriels les plus énergivores ne soient obligés de se délocaliser vers des pays dont les politiques environnementales sont moins ambitieuses qu’en Europe.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne, à travers son Green Deal, a fixé un objectif de réduction des émissions de CO2 de 55 % en 2030. Outre la réforme de la fiscalité des produits énergétiques, la Commission entend doter l’Union européenne d’un nouvel outil : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Ce dispositif, qui devrait entrer en vigueur en 2023 pour une période transitoire de trois ans, vise à réduire les « fuites de carbone », autrement dit les émissions de CO2 vers des pays dont les politiques climatiques et environnementales sont moins ambitieuses qu’en Europe. Le MACF s’appliquera lors de l’importation de certains biens présumés produits dans le pays tiers d’origine, avec un bilan carbone élevé : il s’agira de l’acier, du fer, du ciment, des engrais, de l’aluminium et de l’électricité.

L’administration des douanes assurera le contrôle de ce dispositif. L’objectif du MACF est donc strictement climatique : les recettes seront affectées à un fonds communautaire visant à financer des actions climatiques au sein de l’Union européenne, mais également à aider les pays tiers les moins avancés à mettre en place des politiques climatiques permettant de réduire les émissions de CO2. La tarification du carbone aux biens importés sera donc la même que celle du système européen ETS, lequel vise à inciter les entreprises européennes à réduire leurs émissions de CO2. Autrement dit, afin d’éviter toute discrimination entre les produits importés et les produits fabriqués dans l’UE, le tarif du MACF sera identique que le prix du carbone « ETS ». L’enjeu est de taille pour l’Europe car de nombreux pays tiers commencent à réfléchir à la mise en place de mécanismes similaires. La guerre commerciale pourrait dès lors devenir une guerre « verte ».