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En direct de l’AFJE - Du barreau au bureau ou comment je suis devenue gardienne de l’harmonie des talents

Par Morgane Boucher, directrice juridique France de Bureau Veritas

Alors, comment cela se passe en entreprise ? Ça change, hein ?

Clairement, depuis que j’ai quitté la robe d’avocat pour devenir directrice juridique, la question la plus fréquemment posée est celle du plus grand changement observé entre ces deux professions.

Spoiler alert ! Oui, ça change ! Mais pas du tout comme on peut le fantasmer lorsqu’on est avocat !

Lorsqu’on est avocat, on est en quête d’une excellence individuelle. Mon objectif était d’être experte, reconnue par mes pairs, par mon associé, reconnue par mes clients, tandis que pour d’autres c’est d’être mentionné dans des classements divers et variés, devenir associé.

L’évolution la plus notable dans mon approche et dans mon expérience à ce jour est qu’en tant que directrice juridique, je n’ai plus pour ambition d’être experte. Mon ambition aujourd’hui est de conjuguer les talents de la direction juridique au service du développement de l’entreprise. Les membres de mon équipe sont experts et bien plus compétents que moi sur les sujets qu’ils traitent au quotidien. C’est normal et c’est même souhaitable. L’ambition d’expertise se conjugue alors au pluriel. Et c’est toute l’essence d’une direction juridique !

Et ces talents, au sein d’une équipe ils sont nombreux et multiples, surtout lorsqu’on travaille au service d’une activité de techniciens, d’ingénieurs dont la compétence et l’expérience infusent chaque jour la matière juridique. L’expérience dans l’entreprise, les qualités de formateur, l’appétence pour les outils numériques, en passant par la haute technicité sur des sujets de prédilection sont autant d’atouts indispensables pour construire une équipe solide et variée.

Une direction juridique est une fonction support, et il n’y a rien de péjoratif ici, un « back-office », qui est de plus en plus porté vers la lumière, tant être fonction support – soutenir donc – est une mission extrêmement riche, variée et exigeante. Oui, être fonction support doit nous rendre fiers !

Soutenir, c’est conseiller les dirigeants, comprendre les enjeux des commerciaux, accompagner les opérationnels, trancher parfois, anticiper souvent. C’est aussi intervenir en urgence, former et se former. Soutenir, c’est manier nos expertises, les objectifs de l’entreprise, les risques et les restituer pour aider à la décision.

C’est soutenir tous les métiers d’une organisation, toutes les étapes d’un projet, et contribuer à une réussite collective en étant cette fameuse fonction support dont je suis très fière !

Cette immense variété quotidienne implique une capacité collective de savoirs.

Il n’est pas attendu de chaque juriste une expertise omnisciente, mais il est primordial que l’harmonie de leurs compétences conduise à ce que la direction juridique, dans son ensemble, puisse soutenir l’activité de l’entreprise.

La directrice juridique que je suis a pour objectif d’être alors la gardienne de cette harmonie.

Cette harmonie de compétences est moteur dans une équipe. Elle implique de la solidarité, de la reconnaissance, de l’échange et de la transmission. L’idée est que chacun puisse identifier celui qui lui apportera l’expertise, l’aide, l’expérience dont il a besoin au sein même de son équipe.

Manager en entreprise des profils très différents est à mon sens une des plus grandes différences avec la vie d’avocat, profession où l’on travaille essentiellement avec… des avocats. J’ai la conviction que ma fonction est de valoriser et d’encourager chaque personne à faire qu’ils font de mieux et ce qu’ils aiment faire. Au quotidien, cela implique d’identifier les talents particuliers et de les mettre en valeur au sein de l’équipe et de l’entreprise, et également les axes d’amélioration et de progression en consolidant les savoirs, les partager et d’identifier ceux à acquérir. Je crois aux vertus de la transmission des connaissances en interne, au sein d’une même équipe, et au-delà.

Mes équipes vont sur le terrain, collaborent chaque jour avec les opérationnels et apprennent directement d’eux. Oui, la direction juridique a des casques de chantiers, des EPI (équipements de protection individuelle), car elle doit aller au cœur de nos métiers, en expertise mais également en mission avec les équipes opérationnelles. Cette mise en situation est primordiale pour comprendre le quotidien de nos activités, puisque nous rédigeons les contrats relatifs à leurs missions et que nous gérons leurs contentieux : une équipe juridique intégrée à la réalité opérationnelle de l’entreprise !

Une direction juridique harmonieuse et équipée pour mieux soutenir, c’est l’ambition que je poursuis dans cette nouvelle étape de ma carrière professionnelle.