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Droit de la concurrence et enjeux pour les associations professionnelles et leurs adhérents

Par Frédéric Puel, associé, et Alexandre Marescaux, cabinet Fidal (avec l’aide précieuse de Mahaut de La Messelière, juriste stagiaire)

L’application du droit de la concurrence aux associations professionnelles a été au cœur de l’actualité des derniers mois. Que ce soit l’Autorité de la concurrence, qui a infligé près de 20 M€ d’amende dans l’affaire du Bisphénol A1, la Cour de justice, qui a rappelé l’applicabilité des articles 101 et 102 TFUE aux règlements intérieurs des fédérations sportives et a remis en cause le comportement de la FIFA et de l’UEFA vis-à-vis du projet de Super Ligue2, ou la Commission européenne, par la notification de griefs à six entreprises et leur association professionnelle dans le secteur de la fabrication de batteries de démarrage automobile3, les associations professionnelles font en effet l’objet d’une vigilance croissante de la part des autorités de concurrence.

L’actualité de ces dernières semaines est l’occasion de revenir sur les modalités d’application du droit de la concurrence aux activités des associations professionnelles, mais également sur les précisions apportées par la Cour de justice et l’Autorité sur les conditions d’engagement de la responsabilité des entreprises adhérentes de ces associations.

Les contours de l’application du droit de la concurrence aux associations professionnelles

Les associations professionnelles sont des sujets à part entière du droit des pratiques anticoncurrentielles et les principes des articles 101 et 102 du TFUE s’appliquent pleinement à elles, en ce compris les sanctions encourues.

Le droit de la concurrence s’applique d’abord aux associations professionnelles lorsqu’elles exercent elles-mêmes une activité économique. La Cour de justice a ainsi jugé fin décembre 2023 que la FIFA et de l’UEFA ne sauraient entraver sans limite la création de tout projet de nouvelle compétition de football concurrente, sous peine d’abuser de leur position dominante sur ce marché.

Mais le droit de la concurrence encadre également les activités non-économiques des associations lorsqu’elles aboutissent à la coordination de l’action de leurs membres sur le marché ou conduisent à l’éviction injustifiée de certaines entreprises. L’expérience montre ainsi que (i) l’édiction des règles d’adhésion et d’exclusion, (ii) l’organisation de réunions entre adhérents, (iii) l’interprétation de la réglementation et la diffusion de bonnes pratiques, (iv) les actions auprès des pouvoirs publics, (v) la collecte et la diffusion d’informations sur le marché (notamment production de statistiques), (vi) les activités de normalisation doivent respecter les règles sur les ententes.

Or, depuis la transposition de la directive ECN+ en 2021, les autorités de concurrence peuvent désormais voir infliger aux fédérations une amende allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires cumulé réalisé par leurs membres sur le marché affecté par l’infraction. Ce montant de sanction était, en France, plafonné à 3 M€ avant la mise en œuvre de cette directive.

Les conditions de l’engagement de la responsabilité des membres des associations professionnelles

La question de la responsabilité personnelle des membres des associations professionnelles fait l’objet d’une actualité brûlante.

À l’occasion d’une question préjudicielle, la Cour de justice a en effet rappelé qu’une autorité nationale de concurrence ne peut engager la responsabilité personnelle des membres d’une association professionnelle sans établir leur qualité de co-auteur de l’infraction aux règles de concurrence4.

Pour engager la responsabilité des adhérents, les autorités doivent donc établir leur participation personnelle à l’infraction. Cette participation peut résulter de la présence de l’adhérent à une réunion organisée au sein de l’association et ayant un caractère anticoncurrentiel, sauf pour celui-ci à s’en être distancié publiquement. Ainsi, dans l’affaire du Bisphénol A, l’Autorité de la concurrence a sanctionné onze entreprises pour leur participation individuelle, mais plusieurs autres entreprises ont été mises hors de cause, considérant que la seule réception de comptes rendus de réunion ne pouvait suffire, en l’absence d’autres indices, à caractériser leur participation.

Toutefois, depuis l’introduction par la directive ECN+ d’un mécanisme de solidarité des adhérents, ces derniers ne sont pas totalement à l’abri même en l’absence de participation. En effet, les autorités de concurrence peuvent désormais exiger le paiement solidaire de l’amende par les adhérents, en cas d’insolvabilité de l’association sanctionnée.

Cet accroissement du risque crée pour les associations professionnelles et leurs adhérents un besoin de mise en conformité accru. Le document-cadre de l’Autorité sur les programmes de conformité (mai 2022) fournit à cet égard la méthode de faire. ν