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Droit au rebond : optez pour le plan de cession

Par Par Numa Rengot, associé, et Marouan Fawzi, cabinet Franklin

Après deux années marquées par la baisse significative du nombre de défaillances en raison des mesures de soutien aux entreprises, le nombre de procédures collectives a augmenté de 45 % entre 2021 et 2022 selon le dernier rapport du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ).

Cette hausse qui s’explique par l’arrêt progressif des aides de l’état, la crise énergétique et la mutation des comportements des consommateurs a néanmoins créé des opportunités de reprise. En effet, dès lors qu’une entreprise en procédure collective n’a pas la possibilité de proposer un plan de continuation viable, l’administrateur judiciaire ou le cas échéant le liquidateur cherche un repreneur en vue de la cession des actifs et activités de l’entreprise pendant un temps restreint : la date limite de dépôt des offres.

Une fois cette première étape passée, les concurrents à la reprise peuvent améliorer leur offre jusqu’à deux jours ouvrés avant la date d’audience d’analyse des offres. Lors de cette audience, le tribunal après avoir recueilli l’avis des organes de la procédure, du ministère public, du dirigeant et des éventuels représentants des salariés, choisi l’offre qu’il estime répondre le mieux aux critères légaux : le nombre de salariés repris, le prix de cession pour désintéresser les créanciers et la pérennité du projet.

La reprise totale ou partielle d’une entreprise en difficulté présente plusieurs avantages. Tout d’abord, elle peut être réalisée rapidement, parfois en quelques semaines seulement. Les travaux d’audit sont limités au périmètre de la reprise et allégés car, sauf exception énumérée par la loi, le repreneur ne reprend pas les dettes de l’entreprise. De plus, le prix de cession pour le repreneur est souvent faible par rapport à une acquisition classique car le véritable coût réside en réalité dans le financement de l’exploitation de l’entreprise reprise, notamment le BFR. Comme dans tout processus de reprise, il existe certains pièges auxquels il faut prêter une attention toute particulière. À titre d’exemple, dès lors qu’un prêt est assorti d’une sûreté et que ce prêt a servi au financement d’un des actifs repris, il fait exception à la règle d’extinction du passif antérieur pour être transféré au repreneur qui doit continuer à s’acquitter des échéances du prêt.

Par ailleurs, les acomptes versés par des clients antérieurement à l’ouverture de la procédure ne seront probablement jamais recouvrés ce qui contraint le client à verser une seconde fois au repreneur tout ou partie du prix s’il souhaite voir exécuter ou achever la prestation. Bien qu’il n’y soit pas tenu, le repreneur qui fait le choix d’exclure ces acomptes risque de perdre les clients qui les ont versés. À l’inverse, s’il accepte de les reprendre, cet engagement constitue une augmentation indirecte du prix de cession et peut constituer un avantage concurrentiel. Ces deux exemples soulignent l’importance de réaliser des travaux d’audit sérieux et de mener une discussion commune avec les organes de la procédure, le débiteur et certains créanciers en parallèle de la rédaction de l’offre de reprise dans un timing resserré. Au-delà des procédures collectives, l’émergence des procédures amiables, notamment de la conciliation, a accentué la reprise en amont du plan de cession. La confidentialité attachée à l’amiable facilite l’entrée d’investisseurs partenaires qui mènent, aux côtés du débiteur, la restructuration de la dette. Les créanciers, notamment bancaires, sont plus réceptifs au projet insufflé par un tiers investisseur. Cette reprise des titres dans un contexte bien moins dégradé qu’en procédure collective facilite certains acteurs, notamment institutionnels, à se positionner sur des dossiers à fort endettement.

Bien que le contexte soit plus favorable à la reprise, bon nombre de professionnels du retournement font valoir que les candidats se raréfient. Dans certains secteurs, seule une poignée d’acteurs ont la capacité de se positionner. Dès lors, l’Autorité de la concurrence porte un oeil attentif sur les opérations de concentration notamment en fonction du secteur et de la zone géographique concernée. Bien que l’Autorité fasse preuve d’une bienveillance à l’égard des repreneurs dont les offres permettent notamment la préservation de l’emploi, elle reste une autorité indépendante tenue de réaliser son contrôle selon des critères purement économiques. En définitive, la reprise d’entreprises en difficulté, encore peu connue en France, offre de belles opportunités à moindres frais permettant de préserver le tissu économique français.