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Distribution sélective et places de marché : suite et (pas encore) fin

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1347 du 23 avril 2018
Alexandra Berg-Moussa, associée et Renaud Christol, counsel, cabinet August Debouzy

La CJUE a considéré qu’une telle interdiction est appropriée et proportionnée à la protection de l’image de luxe des produits.

Le 28 février 20183, dans un litige engageant le réseau français de Coty, la Cour d’appel de Paris s’est alignée sur la position de la CJUE.

Coty avait assigné Showroomprivé (plateforme de e-commerce) pour vente de certains de ses parfums de luxe via son réseau de distribution sélective sans être agréée au réseau.

Showroomprivé soutenait être dans son droit, le réseau de distribution de Coty étant selon elle illégal en raison de plusieurs restrictions caractérisées par le règlement UE n°330/2010, notamment l’interdiction du recours à la vente internet via des plateformes ou places de marché.

Pour la Cour d’appel, la clause interdisant de commercer sur des plateformes tierces « est […] appropriée pour préserver l’image de luxe [des produits de Coty] et ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, car elle n’interdit pas de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels ».

La solution est claire tant au niveau européen qu’au niveau national désormais : le fournisseur de produits de luxe peut en interdire la distribution sur des plateformes tierces4.

Néanmoins, la juridiction française, comme la CJUE, laisse deux questions en suspens, pourtant d’une particulière acuité pour les têtes de réseaux sélectifs.

La première est le cas où la plateforme tierce remplirait les critères sélectifs qualitatifs applicables au sein du réseau. Ces critères devant être appliqués de façon non discriminatoire, la plateforme devrait être autorisée à distribuer les produits.

Il convient de rappeler à cet égard que l’Autorité de la concurrence française avait estimé, dès 2014, concernant la distribution de produits bruns5, « que les sites de places de marché avaient la capacité de satisfaire aux critères qualitatifs des produits ».

La seconde touche à l’essence de la distribution sélective. Ce mode de distribution est admis pour les produits de luxe mais également pour des produits de « haute qualité » ou de « haute technologie ». Ces derniers produits n’ont pas « d’image de luxe » telle que l’entendent la CJUE et la Cour d’appel de Paris.

Cela signifierait-il alors que les fournisseurs de ces produits ne pourraient pas en interdire la distribution sur des plateformes tierces ?

La DG Concurrence de la Commission Européenne n’est pas de cet avis. Selon elle6, l’arrêt Coty n’exclut pas qu’une interdiction des plateformes soit valable pour des produits de haute qualité ou de haute technologie. Il faudra cependant effectuer une « analyse au cas par cas » au regard des critères de Métro, en prenant en considération les « objectifs poursuivis » par l’interdiction et la position exprimée par la CJUE « relatives au caractère approprié et proportionné » qui seraient applicables à ces catégories de produits.

Certes la DG concurrence ajoute que l’interdiction des plateformes tierces ne serait pas une restriction de concurrence par objet mais la perspective d’analyses au cas par cas offre une sécurité juridique limitée aux têtes de réseaux de produits de haute qualité et de haute technologie.

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