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Distribution duale : dernières évolutions envisagées par la Commission UE

Par Par Laurent François-Martin et Marie Koehler de Montblanc, associés, équipe concurrence & EU, cabinet Fidal

Le 1er juin 2022, le nouveau règlement d’exemption relatif aux accords verticaux et ses lignes directrices entreront en vigueur. À ce stade, le projet de la Commission européenne n’est pas totalement finalisé et l’équipe concurrence & EU de Fidal évoquera, au travers de trois articles successifs, les enjeux autour des 3 thèmes suivants (1) la distribution duale, (2) le double prix et (3) les clauses de parité.

S’agissant de la distribution duale, le principe est semblable à la version actuelle du règlement 330/2010 : l’exemption ne s’applique pas, par principe, aux accords verticaux conclus entre entreprises concurrentes, sauf dans les situations de double distribution. La double distribution désigne les situations dans lesquelles un fournisseur vend ses produits ou services non seulement par l’intermédiaire de ses distributeurs mais aussi directement aux clients finals. La croissance des ventes en ligne a généré des faux positifs, c’est-à-dire des hypothèses dans lesquelles on ne peut présumer avec suffisamment de certitude qu’ils renforcent l’efficacité attendue et qu’ils remplissent les conditions d’une exemption. Face à ces faux positifs, la Commission a considéré devoir réduire la zone de sécurité et prévoit :

■ une exception avec une zone de sécurité réduite, puisque la double distribution ne bénéficiera de l’exemption que si la part de marché cumulée des parties sur le marché de détail est inférieure à 10 % ;

■ un tempérament à cette exception, avec une exemption partielle pour les accords dans lesquels la part de marché cumulée des parties sur le marché de détail est supérieure à 10 % mais ne dépasse pas le seuil de 30 % - sauf pour les échanges d’informations entre les parties ;

■ un maintien du principe d’absence d’exemption dans deux cas :

• accords comportant des restrictions de concurrence par objet,

• hypothèses des plateformes hybrides.

Tous ces éléments ont fait l’objet de critiques mettant en évidence :

■ une réduction excessive de la zone de sécurité par rapport à la situation existante ;

■ un seuil très bas impliquant que la plupart des accords de double distribution ne seront plus exemptés ;

■ l’introduction d’un nouveau seuil et un traitement des échanges d’informations compliquant l’autoévaluation, du fait :

• de l’existence de trois seuils différents ;

• d’une difficulté pour définir de très nombreux marchés ayant une portée locale, avec des définitions qui peuvent varier considérablement d’un État membre à un autre et pour évaluer l’impact des ventes en ligne. Cette situation entraîne un risque de dissuasion des fournisseurs de s’engager ou de maintenir un système de double distribution, privant ainsi les clients d’un canal de distribution supplémentaire. S’agissant des échanges d’informations exclus a priori du champ d’application de la zone de sécurité, la Commission a publié, le 4 février 2022, un projet de section spécifique auxdits échanges d’informations dans le cadre de la distribution duale, proposant aux entreprises une grille d’analyse, et des exemples, de ce qui serait une information pouvant (ou non) être partagée entre un fournisseur et un distributeur concurrent.

Le critère déterminant est le suivant : est-ce que l’information est nécessaire, ou non, à l’amélioration de la production/distribution de biens et services ? Sont par exemple considérées comme nécessaires :

■ les informations techniques relatives aux biens/services (enregistrement, certification, etc.) ;

■ les informations relatives à la fourniture des biens/services du contrat (inventaire, stock, etc.) ;

■ les informations agrégées relatives aux consommateurs sur les biens/services consommés et leurs préférences. La Commission fournit plusieurs exemples pour lesquels l’information est nécessaire et donc exemptée :

■ accord de distribution exclusive : informations concernant les territoires ou les groupes de clients attribués à l’acheteur ;

■ contrat de franchise : informations permettant l’application d’un modèle commercial uniforme dans l’ensemble du réseau de franchise ;

■ système de distribution sélective : informations de la part des distributeurs concernant leurs activités pour vérifier leur conformité aux critères de sélection.

La Commission précise enfin que des précautions, telles qu’assurer un délai approprié entre la production de l’information et l’échange ou encore l’utilisation interne de « firewall », peuvent minimiser le risque.

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