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Création d’une nouvelle autorité européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

Par Olivier Dorgans, associé, et Paul Charlot, avocat, cabinet Ashurst.

Le 20 juillet dernier, la Commission européenne a présenté un ambitieux plan de réforme portant renforcement du cadre européen en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT)1. L’une des mesures phares est la création d’une nouvelle autorité européenne compétente en matière de LCB-FT (Anti Money Laundering Agency - AMLA) dotée de prérogatives étendues.

L’utilisation croissante des circuits financiers européens à des fins de BC-FT et la multiplication ces dernières années de scandales impliquant plusieurs acteurs européens de premier plan ont mis en lumière les limites structurelles du cadre réglementaire actuel en matière de LCB-FT. Fort de ce constat, la Commission européenne propose de renforcer le cadre règlementaire existant au travers, notamment, de l’instauration d’une nouvelle autorité compétente au niveau européen, l’AMLA.

À ce jour, la LCB-FT est morcelée entre plusieurs autorités au niveau national et européen résultant en une mise en œuvre disparate nuisant à son efficacité. La création de l’AMLA remédiera à ces défaillances en créant, au niveau européen, un bureau centralisé (one stop shop) en charge de la surveillance en matière de LCB-FT et de la coordination et du soutien aux Cellules de renseignement financiers nationales (CRFs). Cette nouvelle autorité mettra à disposition des CRFs des méthodes de détection et d’analyse des opérations suspectes ainsi que des outils informatiques permettant un meilleur traitement et partage des informations. L’AMLA coordonnera également les évaluations nationales des risques.

L’AMLA assurera une mission surveillance directe et permanente des entités financières actives dans plusieurs États membres et présentant un profil de risque élevé. La liste de ces entités sera mise à jour périodiquement et reposera sur des critères objectifs (classification des risques). La Commission prévoit une première sélection des entités par l’AMLA en 2025 pour une surveillance l’année suivante. Dans le cadre de cette surveillance directe, l’AMLA disposera de prérogatives étendues et pourra, à ce titre, adopter des décisions contraignantes, des mesures administratives et imposer des sanctions pécuniaires2.

L’AMLA pourra suppléer les autorités nationales de surveillance en demandant à la Commission d’ajouter une entité financière à la liste de surveillance directe. La Commission sollicitera par ailleurs l’AMLA pour effectuer, à titre exceptionnel, une surveillance directe dans les situations où (i) une entité ne respecte pas les exigences applicables en matière de LCB-FT et si (ii) l’autorité de surveillance nationale n’adopte pas les mesures requises dans les délais impartis pour remédier aux défaillances identifiées.

L’AMLA assurera enfin une supervision indirecte des entités non financières. Ce rôle consistera notamment à superviser et coordonner les actions des autorités nationales de surveillance dans leur rôle de supervision des entités non financières. Dans le cadre de cette surveillance, l’AMLA aura le pouvoir d’émettre des avis et des recommandations.

Cette réforme ambitieuse vient, trente ans après l’adoption de la première directive anti-blanchiment, parfaire les efforts d’harmonisation entrepris par l’Union européenne en matière de LCB-FT et assoit définitivement la prééminence du droit européen en la matière. 

Notes : 

1. Commission européenne (20 juillet 2021). Vaincre la criminalité financière : la Commission réforme les règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

2. European Commission (20 July 2021). Proposal for a regulation of the European parliament and of the Council establishing the Authority for Anti-Money Laundering and Countering the Financing of Terrorism and amending Regulations (EU) No 1093/2010, (EU) 1094/2010, (EU) 1095/2010.