Connexion

Covid-19 et pertes d’exploitation : les assureurs rappelés à l’ordre par l’ACPR

Par Patrice Grenier, associé fondateur, cabinet Grenier Avocats.

La question de la couverture assurantielle des pertes d’exploitations consécutives à la pandémie de la Covid-19 est au cœur d’une série de décisions contrastées qui oppose les assureurs à leurs assurés. Dans ce contexte extrêmement sensible où la survie de nombreux établissements est en jeu, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a rendu un avis qui pourrait faire pencher la balance du côté des assurés.

L’ambigüité des clauses d’exclusion de garantie épinglée

Selon les résultats de l’enquête de l’ACPR qui a analysé 220 polices d’assurance différentes en juin 2020, 93,3 % des contrats ont une couverture Covid-19 non garantie et 2,6 % ont une couverture Covid-19 garantie. Néanmoins, le gendarme des assureurs estime que 4,1 % des contrats ont des clauses contractuelles ne permettant pas de conclure avec certitude à une absence de garantie et, c’est précisément de cette ambigüité, que sont nés les litiges entre assureurs et assurés.

Certaines de ces clauses litigieuses stipulaient que « sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Cependant, cette exclusion de garantie contreviendrait à l’article L. 113-1 du Code des assurances, au titre duquel une telle clause doit être « formelle et limitée ». En l’espèce, toute la difficulté repose sur l’interprétation de cette nature formelle et limitée de l’exclusion. Dans le contexte actuel de pandémie, cette ambiguïté rendrait critiquable l’application de la clause d’exclusion de garantie des pertes puisque, conformément aux dispositions de l’article L. 133-2 du Code de la consommation, les clauses des contrats des assureurs s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable à l’assuré.

Dans son avis, l’ACPR a confirmé cette position en demandant une clarification des clauses équivoques et en précisant que, dans les cas où les clauses contractuelles ne permettaient pas de conclure avec certitude à une absence de garantie, seule une interprétation du juge serait de nature à lever toute incertitude si les assureurs concernés, en cas de doute, n’interprètent pas le contrat en faveur de l’assuré.

Les assureurs pourraient-ils être contraints d’indemniser ?

Alors que l’application des clauses d’exclusion a donné lieu depuis plusieurs mois à une série de décisions contrastées et indécises, le 13 janvier 2021, les résultats de l’enquête de l’ACPR ont été invoqués par un juge pour la première fois afin de motiver son interprétation de la clause ambiguë d’exclusion de garantie en faveur de l’assuré. Le tribunal de commerce de Nice a en effet souligné l’ambigüité de la clause exclusive de garantie et a choisi de condamner un assureur à indemniser un restaurateur au titre des pertes d’exploitation qu’il avait subies.

Ce jugement inédit serait susceptible de créer un précédent jurisprudentiel majeur si jamais cette décision était confirmée en appel. Cette hypothèse ferait alors écho à la décision de la Cour Suprême britannique qui, le 15 janvier 2021, a donné raison au régulateur financier d’outre-Manche en condamnant six assureurs à indemniser quelques 370 000 assurés au titre de leurs pertes d’exploitation.

Cependant, bien que ce rappel à l’ordre des assureurs ait permis une clarification de clauses litigieuses, il apparaît légitime de questionner le recours du juge à l’enquête d’une instance de contrôle dont l’une des fonctions premières est de protéger la clientèle des assureurs. La question de la couverture assurantielle de la crise actuelle doit, à notre sens, continuer à être posée, et cela en toute impartialité. 

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) Covid-19